Annexe 3 : L'éthique dans l'application des connaissances : Passer de « ce que l'on peut faire » à « ce que l'on devrait faire »

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Burleigh Trevor-Deutsch
Kristiann Allen
Vardit Ravitsky
Bureau de l'éthique, Instituts de recherche en santé du Canada
Ottawa (Ontario), Canada


Définition de l'application des connaissances (AC) selon les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC)

« […] l'échange, la synthèse et l'application éthique des connaissances - dans un système complexe d'interactions entre chercheurs et utilisateurs - pour accélérer la concrétisation des avantages de la recherche pour les Canadiens, à savoir une meilleure santé, des produits et services plus efficaces et un système de santé renforcé. »

Quelques défis liés à l'éthique de l'AC

  • Quels sont les principes et les valeurs clés (considérations éthiques) qui devraient orienter l'AC?
  • À quel moment est-il prudent d'appliquer de nouvelles connaissances?
  • Quels types de résultats doit-on prendre en compte et évaluer afin de prendre des décisions à ce sujet?
  • Quelles sont les responsabilités des différents intervenants dans le processus d'AC (p. ex. les chercheurs, les commanditaires de la recherche, les courtiers du savoir, les responsables des politiques, les décideurs et le public)?
  • Quels processus d'AC devraient faire l'objet de surveillance en matière d'éthique, et quels mécanismes devraient être créés pour une telle surveillance?

La bioéthique dans le cadre de l'AC

  • L'analyse et l'évaluation de l'éthique devraient orienter la prise de décisions en matière d'AC.
  • Un cadre éthique largement accepté pour l'AC permettrait aux intervenants de bien aborder les enjeux éthiques de façon systématique et complète.
  • La bioéthique a généralement été surtout présente en amont du cycle des connaissances à la pratique, c'est-à-dire à l'étape de la création des connaissances.
  • Selon nous, la bioéthique dans le cadre de l'AC serait plus utile en aval, c'est-à-dire lorsque les connaissances doivent être appliquées et adaptées à des applications.
  • Ainsi,
    • l'AC traite des questions techniques relatives à la manière de passer des connaissances à la pratique,
    • alors que la bioéthique dans le cadre de l'AC s'intéresse aux questions morales déterminant s'il y a lieu d'appliquer les connaissances à la pratique et/ou la manière de le faire.
  • Ce raisonnement se fonde sur deux principes :
    • L'application des connaissances n'est pas toujours éthiquement justifiée ou appropriée à tout moment, notamment lorsque les risques surpassent les avantages.
    • Il existe parfois différentes façons de mettre en pratique les connaissances, et certaines peuvent s'avérer plus justifiables que d'autres d'un point de vue éthique.

Cadre éthique d'application des connaissances

  • Le cadre bioéthique :
    • constitue l'un des principaux outils d'analyse éthique;
    • comprend les principes éthiques les plus pertinents et les valeurs (considérations éthiques) sur lesquelles reposent les principales décisions d'AC et qui doivent être prises en considération lors de la prise de décision.
    • Un cadre éthique en AC est donc une « perspective éthique » sur laquelle les principales décisions en matière d'AC devraient se fonder.

Cadre bioéthique d'application des connaissances

  • Les considérations éthiques sont souvent en conflit entre elles.
  • Il est rarement possible de maximiser tous les résultats positifs ou souhaités.
  • Une analyse poussée en bioéthique amène :
    • des solutions raisonnées et éthiquement justifiables qui respectent les croyances morales populaires, éthiquement justifiables et susceptibles d'être perçues positivement dans la société;
    • des solutions qui tiennent compte du plus grand nombre possible de considérations éthiques tout en reconnaissant que d'autres peuvent être compromises.
  • Afin de mettre à profit les résultats justifiables d'un point de vue éthique, il faut établir des priorités générales, qui doivent aller au-delà des priorités des chercheurs individuels, des établissements ou des organisations.
  • Une perspective d'établissement d'un programme permet d'atteindre un équilibre entre les considérations d'utilité sociale optimisées et les considérations de justice sociale, afin que les innovations appuyées puissent produire les plus grands avantages et que ceux-ci soient répartis de la façon la plus équitable possible.
  • Notre cadre s'harmonise au nouveau domaine des répercussions éthiques, économiques, environnementales, juridiques et sociales (E3LS) de la recherche, et l'enrichit.
  • Le concept des aspects E3LS est né avec le projet du génome humain et est maintenant au coeur de l'analyse des conséquences en aval de l'application de la recherche (notamment dans les sciences biomédicales).
  • Le cadre proposé est fondé sur deux principes éthiques fondamentaux :
    • Utilité
    • Justice
    • Utilité
  • Le principe d'utilité soutient que toute pratique ou innovation doit viser à maximiser les avantages et à réduire les risques.
  • Le principe d'utilité doit comprendre ce qui suit :
    • Les décisions doivent être prises dans le plus grand intérêt du plus grand nombre de personnes.
    • Les résultats prévus de l'AC doivent être profitables aux individus et à la société.
    • Les avantages dont les individus et la société pourraient profiter doivent être pris en compte dans l'allocation des ressources pour des innovations en concurrence.

Considérations clés en fonction du principe d'utilité

  • Les éléments suivants doivent être pris en compte :
    • Pour choisir les innovations à développer, les décideurs doivent prendre en considération le plus large éventail de résultats possibles, y compris les résultats involontaires.
    • Dans le cadre du processus d'AC, les plus hautes normes internationales de planification de projet, de gestion des risques et d'assurance de la qualité devraient être respectées afin de réduire au minimum les risques que peuvent engendrer les innovations proposées.
  • Les éléments suivants doivent être pris en compte (suite) :
    • Éviter les résultats nuisibles pouvant découler d'un mauvais choix d'innovation à viser et à appliquer.
      • La tragédie de la thalidomide est un exemple d'une application bien intentionnée, mais malavisée, des recherches.

Justice

  • Les individus et les communautés devraient pouvoir profiter de façon équitable (mais pas nécessairement égale) des avantages qui découlent de l'AC.

Considérations clés en fonction du principe de justice

  • Rapport équitable entre les risques et les avantages
  • Les risques qui découlent de l'AC devraient être assumés, dans la mesure du possible, par ceux qui profiteront des avantages, et non par les autres.

Considérations clés en fonction des principes d'utilité et de justice

  • Gérance
    • Les décideurs et les gens qui pratiquent l'AC devraient optimiser l'utilisation efficiente des ressources qui contribuent au processus.
    • Le mauvais emploi ou le gaspillage intentionnel de ces ressources ne respecte pas les règles d'éthique.
  • Partenariats
    • Les partenariats d'AC devraient être conclus uniquement dans les cas où les conflits relatifs à la mission et les conflits d'intérêts sont entièrement divulgués et lorsque ces conflits ont été réglés de façon adéquate.

Résumé

  • Nous proposons un cadre bioéthique pour l'AC fondé sur les vastes principes éthiques d'utilité et de justice, ainsi que sur les considérations qu'ils englobent :
    • Rapport équitable des risques et des avantages
    • Gérance
    • Partenariats éthiques
  • La fonctionnalité du cadre ne réside pas seulement dans le pouvoir de facilitation de son analyse éthique formelle, mais aussi dans sa capacité de favoriser une culture d'éthique dans la communauté de l'AC.
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