Améliorer les soins de santé offerts aux personnes trans et non binaires
Des chercheuses de l’Université Western et un infirmier praticien non binaire de l’Hôpital Women’s College travaillent en collaboration à déterminer et à éliminer les obstacles auxquels sont confrontées les personnes trans et non binaires dans le système de soins de santé
En bref
Enjeu
Les personnes transgenres, non binaires et de diverses identités de genre ont une présence croissante dans l’espace public au Canada. Bien que leur réalité soit de plus en plus reconnue et acceptée au cours des dernières années, ces personnes sont toujours confrontées à des obstacles dans plusieurs sphères de la société, en particulier l’accès à des soins de santé appropriés et de haute qualité.
Recherche
Deux chercheuses de l’Université Western collaborent avec un infirmier praticien non binaire de l’Hôpital Women’s College pour explorer les questions de santé touchant les personnes trans et les obstacles auxquels les personnes trans et non binaires sont confrontées lorsqu’elles ont recours aux services de santé, y compris les problèmes relatifs aux soins postopératoires après une intervention chirurgicale liée à la transition de genre.
Impact
La recherche soutiendra la création d’un système de soins de santé inclusif et accessible, où les personnes trans et non binaires pourront recevoir des soins de haute qualité qui répondent à leurs besoins.
Lecture connexe
Dans les dernières années, les personnes transgenres, non binaires et de diverses identités de genre au Canada ont une présence croissante dans l’espace public. Bien que leur réalité soit de plus en plus reconnue, les personnes trans font toujours face à des obstacles importants dans leur quotidien, en particulier dans le domaine de la santé. En effet, les soins de qualité pour les personnes trans, tant en santé mentale que physique, se font rares, et l’accès à ces soins est limité. Le problème s’explique en partie par les lacunes en matière de connaissances toujours existantes sur la santé et l’expérience des personnes trans au Canada, ainsi que par les questions restées sans réponse relatives aux soins chirurgicaux et aux complications après la transition médicale.
Trois personnes ont entrepris de trouver des réponses à ces questions. Grâce au financement des IRSC, deux chercheuses de l’Université Western, les Dres Greta Bauer et Jessica Prodger, en collaboration avec Emery Potter, infirmier praticien non binaire, explorent les questions de santé qui touchent les personnes trans et travaillent à améliorer la santé de ces personnes ainsi que la qualité des soins qui leur sont prodigués.
Écouter les personnes trans
Depuis plus de dix ans, la Dre Greta Bauer, professeure à l’Université Western, est à l’avant-garde des efforts déployés pour traiter des questions de santé et des droits des personnes trans au Canada. Elle dirige actuellement Trans PULSE Canada, un sondage mené auprès des personnes trans et non binaires de 14 ans et plus au Canada. D’abord un sondage provincial, celui-ci s’est transformé en un sondage national recueillant les données d’environ 3000 personnes.
Axée sur neuf groupes de population prioritaires, l’étude Trans PULSE Canada explore les différentes intersections au sein des communautés trans et non binaire ainsi que leurs résultats de santé. À l’heure actuelle, les travaux de la Dre Bauer se concentrent sur la santé et la sécurité des travailleurs du sexe. L’étude a permis à la Dre Bauer et à son équipe de recueillir l’expérience et l’expertise uniques du milieu, et de mettre de l’avant des données probantes qui appuient la modification des lois fédérales entourant le travail du sexe. L’équipe de la Dre Bauer effectue un travail semblable auprès d’autres populations prioritaires, comme les personnes trans et non binaires, pour améliorer l’accès aux soins primaires, aux soins d’urgence, aux soins de santé mentale et aux soins gynécologiques.
En plus de Trans PULSE Canada, la Dre Bauer est à la tête de Jeunes Trans CAN!, une étude de cohorte de jeunes (de la puberté jusqu’à l’âge de 15 ans) trans et non binaires dans 10 cliniques de partout au Canada. Par l’analyse des données de ce groupe, l’étude de la Dre Bauer a permis de remettre en question les idées justifiant les comportements et les politiques défavorables aux jeunes trans. Par exemple, certains pensent qu’aujourd’hui, plus de jeunes trans ont accès à des soins médicaux en raison de l’exposition sociale et de la « popularité » des communautés trans. En réalité, l’opinion publique est plus favorable à la transition de nos jours, et les personnes concernées disposent d’une meilleure protection.
Que l’étude se penche sur les jeunes ou les groupes plus âgés de personnes trans, la recherche de la Dre Bauer dégage une conclusion claire : les soins en santé aux personnes trans et leur accès doivent être grandement améliorés. « Même lorsqu’il existe des bons fournisseurs et des personnes bien intentionnées qui essaient de faire la bonne chose, les personnes trans font face à des obstacles ancrés dans le système et subissent beaucoup de discrimination anticipée en raison de l’expérience personnelle des gens et de leur manque de connaissances sur la communauté trans, remarque Bauer. L’accès aux soins de santé pour les personnes trans est donc limité, et plus encore dans certains sous-groupes de la communauté trans. C’est ce que nous tentons de déterminer. »
Surmonter les obstacles dans les soins de santé
Emery Potter collabore aux projets de la Dre Bauer et met à profit son expérience personnelle, de même que celle acquise dans le cadre de son travail en soins infirmiers spécialisés pour le programme sur les chirurgies de transition de l’Hôpital Women’s College, afin d’aider les personnes trans et non binaires à s’y retrouver dans le système de soins de santé. Emery Potter souligne que ce système est souvent pénible non seulement pour les patients, mais aussi pour les professionnels de la santé.
« L’ensemble de notre système de soins de santé est fondé sur une approche binaire, même le mode de facturation des médecins, explique Emery Potter. Plusieurs interventions sont associées au genre féminin ou masculin. Si le genre de la personne ne correspond pas à celui associé à l’intervention, la demande du patient sera rejetée. En raison de la nature binaire des soins de santé, d’autres problèmes rencontrés par les personnes trans comprennent le mégenrage et le morinommage (utiliser le prénom assigné à la naissance d’une personne trans). Il n’y a souvent aucun champ désigné dans les dossiers de santé électroniques pour sauvegarder un nom différent du nom légal. »
Emery Potter fait aussi part de ses perspectives sur les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes trans pendant et après les chirurgies d’affirmation de genre. Emery Potter souligne d’abord que l’accès à ces chirurgies est restreint : nombre de personnes doivent se déplacer sur de longues distances pour recevoir leurs soins. Les obstacles rencontrés par les personnes trans persistent même après la chirurgie. Lorsque ces personnes ont des complications, un problème qui s’aggrave ou même une question, il s’avère très difficile de trouver une ressource qui possède les connaissances nécessaires pour prodiguer les soins appropriés. Certains médecins ou autres professionnels de la santé peuvent hésiter à accepter une personne trans comme patiente parce qu’ils ne croient pas qu’ils possèdent l’expertise adéquate pour combler les besoins et prendre bien soin de cette personne.
À l’Hôpital Women’s College, l’équipe d’Emery Potter offre des chirurgies d’affirmation de genre et des soins postopératoires. Les fournisseurs de soins primaires et les services d’urgence qui n’ont pas les connaissances nécessaires pour soigner les patients trans peuvent les référer à la clinique de l’Hôpital Women’s College. Dans cette clinique, Emery Potter a examiné plus de 300 patients jusqu’à présent. Toutefois, il existe des lacunes en recherche dans ce sous-domaine des soins de santé et, surtout, un manque d’accessibilité à l’information. « Je me heurte à ce problème tous les jours, dit Emery Potter. Nous rencontrons de nouvelles complications ou de nouveaux problèmes, et nous ne trouvons aucun expert ou consensus pour savoir comment les gérer. »
Comprendre le néovagin
En plus d’appuyer la Dre Bauer dans ses travaux, Emery Potter contribue également au projet de recherche TransBiota dirigé par la Dre Jessica Prodger, professeure adjointe à l’Université Western. Ce projet permet d’approfondir les connaissances sur le néovagin et les complications de santé qui peuvent découler d’une vaginoplastie, une intervention chirurgicale visant à construire un vagin à partir de tissus péniens. Contrairement au vagin des femmes cisgenres, les experts en savent très peu sur le microenvironnement des néovagins et les types de bactéries qui s’y trouvent. Comme les professionnels de la santé possèdent une expertise pour les vagins des femmes cisgenres seulement, appliquer les mêmes diagnostics et traitements aux deux types de vagins peut entraîner des traitements inefficaces et des problèmes irrésolus chez les femmes trans.
L’équipe de la Dre Prodger émet l’hypothèse selon laquelle les bactéries vivant dans le néovagin diffèrent de celles dans le vagin des femmes cisgenres, et les néovagins requièrent donc des traitements distincts. Par l’analyse du néovagin à l’échelle microstructurelle, l’équipe vise à déterminer les bactéries bénéfiques et mauvaises, c’est-à-dire celles nécessaires à la santé du néovagin et celles causant des complications. « Les néovagins fonctionnent de manière très semblable aux vagins des femmes cisgenres, mais sont composés de cellules différentes, explique la Dre Prodger. Il est très peu probable que nous trouvions les mêmes lactobacilles et anaérobies dans les néovagins que dans les vagins des femmes cisgenres. Ce serait comme effectuer un prélèvement de peau et s’attendre à trouver des bactéries vaginales. »
Ce projet de recherche compte sur la collaboration des personnes trans et de diverses identités de genre, qui prélèvent des échantillons de leurs bactéries génitales à leur domicile à l’aide d’une trousse qui leur est fournie et répondent à des questions sur les symptômes inconfortables qu’ils ressentent ainsi que sur les hormones et les médicaments qui pourraient influer sur leurs bactéries génitales. Ces données permettront à la Dre Prodger d’orienter les nouveaux protocoles de diagnostic des problèmes néovaginaux et de mieux éclairer certaines habitudes, notamment l’utilisation de douches vaginales et de lubrifiant.
Prochaines étapes
Ces projets de recherche et les réflexions qu’ils engendrent sont essentiels à l’amélioration de la santé des personnes trans et à la création d’un système de soins de santé inclusif pour ces personnes, qui, selon Emery Potter, permettrait d’administrer des soins appropriés qui sont inclusifs et liés à l’affirmation du genre aux personnes trans, et ce, au moment opportun. Ce système favoriserait l’utilisation des noms et des pronoms choisis par les personnes trans et procurerait toutes les ressources dont ces personnes ont besoin. Dans un tel système, les professionnels de la santé posséderaient les connaissances et l’expérience requises dans le domaine de la santé des personnes trans pour leur prodiguer des soins de haute qualité et accessibles.
La recherche est une étape cruciale pour créer les connaissances nécessaires qui permettront de réaliser des changements concrets et de créer un système de soins de santé inclusif et opportun pour les personnes trans.
- Date de modification :