La guérison culturelle à la croisée de la crise climatique et de la santé mentale
La Dre Suzanne Stewart, membre de la Première Nation des Dénés Yellowknives, n'avait jamais envisagé de consacrer une si grande partie de ses recherches et de ses travaux cliniques à la psychologie autochtone. En effet, l'environnement dans lequel elle a fait ses études lui a donné l'impression qu'elle devait réprimer son identité autochtone.« J'ai grandi dans les années 1970 et 1980, à une époque où on n'autorisait, voire n'acceptait pas vraiment l'identité autochtone. J'ai passé une grande partie de ma jeunesse à faire semblant de ne pas être autochtone par mes vêtements ou mes actions », explique la Torontoise.
Étant donné l'intimidation et le racisme qui faisaient rage, la Dre Stewart a décidé de quitter l'école et sa famille d'accueil et de faire sa vie dès l'âge de 13 ans. Dix ans plus tard, un article sur Sigmund Freud l'a fascinée et incitée à retourner sur les bancs d'école pour devenir psychologue.
« J'adorais ce que j'apprenais et ce que je lisais sur la psychologie, car je trouvais ainsi un sens à tout ce qui affligeait ma famille et ma communauté », ajoute la directrice de l'Institut de la santé autochtone Waakebiness à l'Université de Toronto.
« J'ai vu dans la psychologie un moyen de sortir de la pauvreté et de faire de moi une professionnelle. »
Une responsabilité envers la communauté
Vers la fin de ses études postsecondaires, la Dre Stewart n'entendait pas orienter sa carrière vers la santé des Autochtones.
« Je voulais simplement obtenir mon diplôme et avoir une carrière comme tout le monde », précise-t-elle.
« Je n'avais vécu ma vie que sous l'angle du traumatisme lié à l'identité autochtone. »
Toutefois, dès ses études supérieures, les communautés autochtones ont demandé à plusieurs reprises à la Dre Stewart de contribuer aux recherches et aux travaux cliniques les concernant. Sentant qu'elle avait une certaine responsabilité envers la communauté autochtone, elle a toujours répondu dans l'affirmative et, au fil du temps, s'est rendu compte qu'elle était exactement à sa place en tant que référence torontoise en santé mentale des Autochtones.
« Je suis très reconnaissante de ce qui est arrivé, le destin a bien fait son travail. »
« Les Autochtones ne l'ont pas facile, et nous apprenons à donner un sens à tout ce que nous vivons en en faisant une occasion de guérir et de grandir. »
Clayton Shirt, son adjoint de recherche habituel, ne saurait dire mieux. Bien qu'il n'aime pas les titres officiels, il est généralement désigné comme « gardien du savoir traditionnel » et « Aîné en résidence » à l'Université de Toronto.
« Nous sommes tous dans le processus de guérison à la suite des pensionnats, de la colonisation et du génocide, entre autres », mentionne M. Shirt, qui est né dans la nation crie de Saddle Lake et qui a grandi à Toronto.
« Nous allons surmonter notre traumatisme par nos façons d'être et de savoir, car ce n'est qu'ainsi que nous redeviendrons des êtres humains. »
À l'Université de Toronto, il aide les étudiants autochtones à emprunter le chemin de guérison qui leur conviendra tout en contribuant à la diffusion du savoir traditionnel et des façons d'apprendre autochtones auprès des étudiants et du corps professoral en général.
« Les Autochtones ont un superpouvoir, celui de nouer des relations », ajoute M. Shirt.
« Nous travaillons sur nos relations avec nos jeunes, avec nos Aînés, avec la culture dominante. Il en sera toujours ainsi, le partage sera toujours de la partie. »
Santé mentale et crise climatique
Aujourd'hui, la Dre Stewart et Clayton Shirt à titre de chercheuse principale et de conseiller et agent de liaison avec les jeunes et les communautés autochtones respectivement, sont au cœur de l'équipe du projet Jeunes autochtones et santé mentale : solutions autochtones de guérison personnelle et communautaire et à la crise climatique. L'évaluation, qui prend place dans les communautés autochtones, est financée par la subvention Catalyseur : Normes de services en santé mentale – enfants et jeunes des Instituts de recherche en santé du Canada.
Tout a commencé par un projet pilote l'été dernier au cours duquel des jeunes et des Aînés autochtones se sont rencontrés dans les Territoires du Nord-Ouest et à Toronto. Les jeunes y ont abordé des thèmes liés à l'effet de la crise climatique sur leur santé mentale.
« Les jeunes s'inquiètent beaucoup pour l'environnement, au point où ils ne veulent pas fonder une famille parce qu'ils estiment que la Terre n'est pas un endroit sûr et sain où mettre un enfant au monde », explique la Dre Stewart.
« Entendre les jeunes dire que leur dépression ou leur anxiété ne s'explique pas par les événements qui surviennent dans leur vie, mais par ceux qui surviennent dans la nature était brutal. »
Avec leurs partenaires communautaires comme l'Institut de recherche en santé circumpolaire dans les Territoires du Nord-Ouest ainsi que 2-Spirited People of the 1st Nations et le Centre de ressources pour femmes autochtones de Toronto, la Dre Stewart et son équipe se servent de sondages, d'entrevues, de groupes de discussion et de données pour élaborer des programmes et des interventions pour la santé mentale des jeunes écoanxieux, notamment des outils d'évaluation qui respectent le savoir traditionnel autochtone. Ces programmes devraient voir le jour cet automne, et ils feront l'objet d'une évaluation continue avant leur éventuelle mise en œuvre à plus grande échelle.
« Enfin, les Autochtones sont invités à se faire entendre », affirme la Dre Stewart.
« Nous devons maintenant passer à l'étape suivante : mobiliser les connaissances de nos jeunes, de nos Aînés et de nos communautés et veiller à ce que les personnes qui ont encore une emprise totale sur nos vies – le gouvernement – soient toujours disposées à nous donner l'espace, l'autonomie et les fonds dont nous avons besoin pour aider les gens à rester maîtres de leur santé, de leur bien-être et de leur vie. »
Bien que le racisme et l'oppression systémique se répercutent encore quotidiennement sur le bien-être mental des jeunes autochtones, l'équipe de recherche demeure optimiste.
« Les jeunes remplacent de plus en plus le désespoir par l'espoir, et nous leur expliquons les gestes qu'ils peuvent poser pour la suite des choses », affirme M. Shirt.
« Tout passe par les connaissances, les façons de savoir et d'être traditionnelles et la recherche. Ils s'en rendent compte petit à petit et commencent à y voir clair. C'est formidable d'avoir un rôle à jouer dans le processus. »
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