Évaluation des approches de réduction des méfaits face à la crise des opioïdes dans le contexte de la COVID-19 (évaluation pour un approvisionnement plus sécuritaire)
Compte Rendu du Forum d’Échange de Connaissances de Mi-Parcours
Avant-propos
Le 10 mai 2023, les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) ont tenu, en mode virtuel, un forum d’échange de connaissances de mi-parcours avec les titulaires d’une subvention de fonctionnement Évaluation des approches de réduction des méfaits face à la crise des opioïdes dans le contexte de la COVID-19, dont les travaux visent à évaluer les projets pilotes d’approvisionnement plus sécuritaire soutenus par Santé Canada au moyen du Programme sur l’usage et les dépendances aux substances. Le présent rapport comprend une synthèse des progrès et des résultats présentés par l’équipe de recherche, ainsi qu’un résumé des points de vue des utilisateurs des connaissances et des participants exprimés lors de la séance de discussion.
Mise en garde
L’information qui suit vise à résumer les propos entendus lors du forum. Les IRSC ont fait tout en leur pouvoir pour soumettre ce texte à l’examen des membres de l’équipe de recherche; toute erreur ou omission est non intentionnelle. Le présent rapport ne doit pas être considéré comme un compte rendu définitif des résultats de recherche. Pour obtenir l’information la plus récente sur des projets, les lecteurs sont priés de faire un suivi directement auprès des titulaires de subvention.
Si vous désirez recevoir le cahier d’information du forum, veuillez en faire la demande au Centre de contact des IRSC par courriel, à support-soutien@cihr-irsc.gc.ca.
Mot du directeur scientifique
Depuis plusieurs années, de nombreux Canadiens et Canadiennes et leurs proches sont aux prises avec une crise nationale des surdoses, laquelle ne montre aucun signe de ralentissement. Chaque année, de nombreuses personnes meurent en raison d’un approvisionnement en drogues illégales de plus en plus contaminé par des produits toxiques et puissants.
Malheureusement, la pandémie de COVID-19 a exacerbé les effets de la crise des surdoses dans les collectivités du Canada. Le risque de méfaits pour les personnes qui consomment des drogues ou qui souffrent d’un trouble lié à l’usage de substances psychoactives a clairement augmenté. Nous avons urgemment besoin d’investissements ciblés pour étendre l’accès aux produits pharmaceutiques pouvant servir de solution de rechange aux drogues illicites (approvisionnement plus sécuritaire) et offrir une passerelle vers les services de santé.
Pour pallier l’insuffisance de financement, Santé Canada soutient des projets pilotes d’approvisionnement plus sécuritaire dans le cadre du Programme sur l’usage et les dépendances aux substances. Il s’agit de projets pilotes permettant d’offrir des services d’approvisionnement plus sécuritaire et de contribuer à l’enrichissement des connaissances sur les interventions visant à réduire les méfaits. L’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies (INSMT) des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) a appuyé des travaux de recherche visant à évaluer ces programmes novateurs dans le cadre de la possibilité de financement Évaluation des approches de réduction des méfaits face à la crise des opioïdes dans le contexte de la COVID 19, lancée à la fin de 2020. Le volet de la possibilité de financement portant sur l’évaluation pour un approvisionnement plus sécuritaire finance d’importants travaux en science de la mise en œuvre sur les résultats des projets pilotes, menés par une équipe de spécialistes du réseau de l’Initiative canadienne de recherche sur l’abus de substances.
Le forum d’échange de connaissances de mi parcours s’est avéré une précieuse occasion de mobiliser les données probantes en vue d’éclairer les politiques et les pratiques pour la réduction des méfaits. Les résultats provisoires présentés par l’équipe de recherche revêtiront une importance toute particulière pour les nombreuses personnes touchées par la crise des surdoses qui sévit actuellement au pays. L’INSMT des IRSC remercie l’équipe de recherche et les utilisateurs des connaissances pour leur participation à cette importante séance d’échange de connaissances, ainsi que l’honorable Carolyn Bennett, ministre de la Santé mentale et des Dépendances et ministre associée de la Santé, pour son allocution d’ouverture.
Samuel Weiss, C.M., Ph. D., MSRC, MACSS
Directeur scientifique, Institut des neurosciences, de la santé mentale et de la toxicomanie des IRSC
Compte rendu de l’équipe de recherche
Présentation : Daniel Werb (chercheur principal désigné) et Mohammad Karamouzian, Centre d’évaluation des politiques sur les drogues de l’Hôpital St. Michael
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Survol des projets pilotes d’approvisionnement plus sécuritaire au Canada
Les travaux visent à évaluer onze projets pilotes d’approvisionnement plus sécuritaire au Canada, dont six se déroulent en Colombie Britannique, quatre en Ontario et un au Nouveau Brunswick, qui sont financés par l’intermédiaire du Programme sur l’usage et les dépendances aux substances de Santé Canada.
Les services offerts peuvent varier d’un endroit à l’autre, et c’est pourquoi l’étude vise à évaluer divers modèles d’approvisionnement plus sécuritaire, dont les suivants :
- Traitement par agonistes opioïdes injectables : doses injectées sous surveillance qui nécessitent plusieurs visites en clinique par jour.
- Approvisionnement plus sécuritaire en opioïdes : comprimés à emporter (autoadministration quotidienne sans surveillance) offerts en pharmacie et dans des machines distributrices facilement accessibles (projet MySafe).
- Prescriptions favorisant l’atténuation des risques (en C. B. seulement) : prescriptions de doses à emporter (autoadministration sans surveillance).
Les données présentées dans le présent compte rendu sont tirées des rapports d’étape des projets pilotes (dont la soumission à Santé Canada constituait une condition de financement), des entrevues d’évaluation organisationnelle auprès des responsables des projets, des données qualitatives déclarées par les usagers, des données quantitatives préliminaires sur les usagers des services de traitement par agonistes opioïdes injectables ou des services d’approvisionnement plus sécuritaire en opioïdes à Toronto, ainsi que des analyses d’urine et données administratives du projet MySafe (en anglais seulement).
En outre, l’article intitulé Challenges of implementing safer supply programs in Canada during the COVID-19 pandemic: A qualitative analysis (en anglais seulement) a été publié après la tenue du forum.
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Obstacles à la mise en œuvre et à la pérennité
Quarante-cinq rapports d’étape soumis entre février 2020 et mars 2022 par les onze centres hébergeant un projet pilote ont fait l’objet d’une analyse thématique, laquelle a soulevé entre autres les difficultés suivantes :
- Difficultés organisationnelles : Les centres ont indiqué que la pandémie de COVID 19, jumelée à la crise liée à la toxicité des drogues, a engendré des contraintes d’espace et une pénurie de main d’œuvre.
- Financement limité : Le mécanisme de financement à court terme entrave l’établissement de relations entre le personnel et les usagers, menace la pérennité des projets et nuit à la sécurité d’emploi du personnel ainsi qu’à la continuité des services.
- Inégalités structurelles : La pénurie de logements abordables ne touche pas uniquement la Colombie Britannique ou l’Ontario. Elle entraîne par ailleurs de graves conséquences pour les usagers, particulièrement pendant l’hiver.
- Opposition de la communauté : Bien qu’il s’agisse d’un problème mineur, surtout dans les cas où les projets sont intégrés à un service déjà établi, l’opposition de la communauté s’avère une préoccupation pour certains.
- Médication insuffisante : Les puissants opioïdes qui circulent sur le marché illégal, dont le fentanyl, font croître la tolérance des usagers. Les doses offertes dans le cadre de l’approvisionnement plus sécuritaire peuvent ainsi s’avérer insuffisantes. D’ailleurs, la médication disponible varie selon la réglementation provinciale, qui limite parfois l’accès à la diacétylmorphine et aux fortes doses d’opioïdes, favorisant ainsi l’apparition de symptômes de sevrage ou le maintien de la consommation de substances illicites. Nombre d’usagers préfèrent par ailleurs l’inhalation à l’injection, et c’est pourquoi il est nécessaire d’améliorer l’accès à des opioïdes d’ordonnance pouvant être inhalés.
- Obstacles découlant de la pandémie : La pandémie de COVID 19 a donné lieu à des programmes et des services inadaptés aux personnes hautement marginalisées. Les projets d’approvisionnement plus sécuritaire ont permis d’accroître les délais et la stabilité pour que tous puissent bénéficier de programmes et de services tenant compte des déterminants sociaux de la santé. Or, ces programmes et services demeurent très limités.
- Modèles très médicalisés et contraignants : Malgré les efforts déployés pour accroître l’accessibilité des services, certains modèles d’approvisionnement sont trop médicalisés et ne sont pas suffisamment centrés sur les usagers. Peu de médecins adhèrent à l’approvisionnement plus sécuritaire, principalement en raison de leurs préoccupations à l’égard du fait que la médication est prise sans surveillance.
L’analyse a également permis de formuler deux recommandations pragmatiques :
- Un financement à long terme est nécessaire afin d’assurer la sécurité d’emploi du personnel et la continuité des services.
- L’accès à de nouveaux produits de remplacement est primordial afin de combler les besoins des usagers et de limiter le recours aux drogues illicites.
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Facteurs de succès
Les entrevues d’évaluation organisationnelle auprès des responsables des projets pilotes ont permis de mettre en relief plusieurs facteurs de succès, dont les suivants :
- Modèles holistiques : Les modèles de soutien holistiques contribuent à répondre aux besoins relatifs à la santé physique et mentale des usagers (voir la section « Services intégrés » du résumé de la discussion dirigée pour plus de renseignements).
- Appui de la communauté : La plupart des centres n’ont pas soulevé une forte opposition de la communauté. Certains ont même employé des méthodes de mobilisation créatives (p. ex. inviter l’adjoint au chef de police à visiter le centre; échanger avec le personnel et répondre aux préoccupations).
- Services flexibles et axés sur les usagers : Recueillir les suggestions des usagers et les appliquer aux projets et aux services pour mieux répondre aux besoins.
- Excellence du personnel et culture de travail : Une culture de travail saine et un esprit de collaboration contribuent à la pérennité et à la croissance des projets.
- Mobilisation précoce des personnes ayant une expérience concrète : La mobilisation significative des personnes ayant une expérience concrète dès l’étape de remue-méninges ainsi que leur intégration au sein du personnel sont essentielles au succès et à la pérennité des projets et des services.
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Expérience usager, retombées et perceptions
Des études, publiées ou à paraître prochainement, ont été évaluées par divers chercheurs et prestataires de services, qui ont relevé plusieurs points liés aux projets pilotes concernant l’expérience usager, les retombées et les perceptions :
- Une évaluation du programme d’approvisionnement plus sécuritaire en opioïdes du Centre de santé intercommunautaire de London (en anglais seulement) révèle une importante diminution des taux de visites à l’urgence, des admissions à l’hôpital et des coûts des soins de santé après l’adhésion au programmeNote de bas de page 1. Ces résultats laissent supposer que de tels programmes peuvent élargir la gamme d’options pharmaceutiques, permettant ainsi de mieux combler les besoins des personnes qui consomment des drogues et qui courent un haut risque d’empoisonnement.
- Des résultats préliminaires suggèrent que le programme d’approvisionnement plus sécuritaire de la Peterborough 360 Degree Nurse Practitioner-Led Clinic (en anglais seulement), qui offre des doses à emporter de comprimés d’hydromorphone à libération immédiate, améliore la qualité de vie, l’accès aux soins primaires, le soutien social et les services de réduction des méfaits. On a par ailleurs observé une diminution de l’implication dans des activités criminelles, des risques de surdose, de la consommation de drogues et des symptômes de douleur et de sevrage. Les chercheurs soulignent le besoin d’élargir la disponibilité des doses à emporter, la gamme de produits de remplacement et les programmes axés sur l’établissement de liens, l’emploi et la satisfaction des besoins fondamentaux, dont le logement.
- Une évaluation des données qualitatives de deux programmes du Centre de santé intercommunautaire de London, en Ontario, qui visent à offrir des doses à emporter, ainsi que du modèle mixte du programme SAFER à Victoria, en Colombie Britannique, qui comprend des doses à emporter et des doses administrées sous surveillance en clinique, a révélé un déclin rapide des risques de surdose et de l’implication dans des activités criminelles. Les doses à emporter favorisent en outre l’autonomie des usagers et écartent ces derniers du milieu de la drogue. Les chercheurs soulignent notamment le besoin criant d’étendre la gamme de produits de remplacement, notamment d’y inclure l’héroïne et des produits à inhaler.
- Des données qualitatives préliminaires tirées de quatre programmes offrant des soins primaires intégrés en Ontario montrent une diminution des risques de décès par surdose. De nombreux usagers ont déclaré qu’ils ont réduit ou arrêté leur consommation de drogues illégales et de drogues injectablesNote de bas de page 2, en plus de reprendre leurs soins de santé, de prendre en charge des problèmes de santé de longue date et de profiter d’un meilleur accès aux traitements et aux soins liés au VIH et à l’hépatite C. La diminution de la consommation de substances illicites entraîne une baisse des activités criminelles ainsi qu’une amélioration de l’accès aux services sociaux, ce qui accroît la stabilité sociale et améliore la sécurité alimentaire et la situation du logement.
- Une évaluation qualitative de programmes de traitement par agonistes opioïdes oraux destinés aux personnes qui consomment par injection en Colombie Britannique a permis de définir les facteurs favorisant l’accès à ces programmes dans les régions rurales, notamment l’accès à une clinique à proximité, la fiabilité du transport pour se rendre en clinique ainsi que la disponibilité des doses à emporter. Parmi les obstacles aux services, notons les heures d’ouverture limitées des cliniques, l’administration des doses interrompue en raison d’une hospitalisation ou d’une incarcération ainsi que l’administration de comprimés sous surveillance qui nécessite de multiples visites prolongées (20 minutes) par jour en cliniqueNote de bas de page 3. Les chercheurs stipulent que, bien qu’ils ne représentent pas nécessairement une méthode d’approvisionnement plus sécuritaire, les programmes de traitement par agonistes opioïdes oraux sont jugés pertinents compte tenu de leur singularité dans les régions rurales.
- Les résultats préliminaires de l’évaluation du programme Hope to Health (en anglais seulement) à Vancouver, en Colombie Britannique, qui fournit des timbres de fentanyl dans le cadre d’un modèle de services intégrés, attestent les retombées à court terme évoquées par les usagers, notamment l’amélioration de la santé psychosociale, du bien-être et de la santé physique, une évolution des tendances dans la consommation de substances psychoactives (comme une réduction du désir de consommer, des dépenses liées aux drogues de la rue et des activités criminelles) ainsi qu’un optimisme renouvelé à l’égard du rétablissement.
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Retombées à court terme sur la santé et la situation sociale des usagers
Des données quantitatives préliminaires issues de cohortes de 27 participants au programme de traitement par agonistes opioïdes injectables The Works et de 26 participants à quelques programmes d’approvisionnement plus sécuritaire en opioïdes à Toronto révèlent une réduction des activités rémunératrices illégales, des dépenses liées aux drogues, de la consommation d’opioïdes issus du marché illégal, des arrestations et des surdoses autodéclarées, de même qu’une amélioration de la sécurité alimentaire et de la situation du logement.
Bien que les tendances observées s’avèrent prometteuses, les chercheurs soulignent que ces résultats préliminaires sont fondés sur un petit échantillon.
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Préférences et fidélisation des usagers (projet Mysafe)
Les données quantitatives préliminaires tirées des documents administratifs du programme MySafe (machines distributrices sécuritaires d’hydromorphone) montrent que la plupart des usagers utilisent les distributrices entre 17 h et 23 h.
Les analyses d’urine, quoique limitées, révèlent une augmentation de l’exposition aux benzodiazépines et une baisse de la consommation de cocaïne au fil du temps. Elles montrent en outre que les usagers consomment d’autres substances psychoactives (p. ex. amphétamines, fentanyl ou oxycodone) que celles fournies par le programme MySafe. Les chercheurs soulignent l’importance de tenir compte du contexte des résultats, du fait que le programme MySafe vise non pas à freiner la consommation de substances psychoactives, mais à prévenir les surdoses en offrant un approvisionnement plus sécuritaire d’opioïdes qui respecte la réglementation.
Au cours de la période de suivi, on a effectué 85 tests de dépistage de l’hydromorphone en prélevant des échantillons d’urine de 66 usagers ayant reçu une prescription. Au total, 8 personnes ont reçu un résultat négatif. Plusieurs conclusions sont possibles, mais les chercheurs appellent à la prudence puisque ces données sont préliminaires et tirées d’un petit échantillon. Un résultat négatif à un test de dépistage de l’hydromorphone dans l’urine pourrait signifier que certains usagers redistribuent leurs opioïdes d’ordonnance. Un tel résultat pourrait aussi indiquer que les besoins des usagers ne sont pas comblés. Dans le cas où les usagers vendent leurs opioïdes d’ordonnance afin d’acheter des opioïdes plus puissants sur le marché illégal, la prescription de plus fortes doses pourrait favoriser leur fidélisation au programme. Il s’agit d’un enjeu complexe qui nécessite davantage de recherches et de données pour en comprendre l’étendue.
Les chercheurs prévoient publier les conclusions de l’évaluation qualitative du programme MySafe au cours des prochains moisNote de bas de page 4.
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Travaux en cours
Les prochaines étapes de l’équipe de recherche comprennent l’élaboration d’un plan directeur pour les modèles d’approvisionnement plus sécuritaire, l’analyse des données administratives et cliniques en Ontario, la collecte et l’analyse de données à long terme sur les cohortes des projets pilotes à Toronto, l’analyse qualitative de l’expérience usager, des perceptions et des retombées dans l’ensemble du pays, l’évaluation systématique des données qualitatives et quantitatives, l’analyse des entrevues d’évaluation organisationnelle en cours auprès des responsables des projets pilotes, l’examen d’un modèle d’approvisionnement plus sécuritaire dirigé par des Autochtones (coopérative pour la santé et la guérison des Autochtones en milieu urbain Kilala Lelum [en anglais seulement]) ainsi que l’analyse stratégique du potentiel de l’approvisionnement plus sécuritaire dans la lutte contre la crise des surdoses.
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Vue d’ensemble des résultats préliminaires
En bref, les chercheurs affirment que l’approvisionnement plus sécuritaire s’avère efficace pour les usagers hautement marginalisés. Les programmes varient en fonction des services offerts et des ressources disponibles. Les modèles complexes d’approvisionnement plus sécuritaire nécessitent du soutien ciblé pour assurer leur pérennité, leur mise à l’échelle et leur efficacité.
La production de données probantes sur une gamme d’indicateurs comme la pérennité, l’adaptabilité et les retombées, y compris des analyses longitudinales, se poursuit dans l’ensemble du pays.
Les IRSC prévoient tenir la prochaine séance d’échange de connaissances avec l’équipe de recherche au printemps 2024.
Résumé de la discussion dirigée
Le compte rendu de l’équipe de recherche a été suivi d’une discussion dirigée, où les participants (y compris des responsables des politiques, des prestataires de services, des chercheurs et des utilisateurs des connaissances) ont exprimé leurs points de vue sur les résultats préliminaires et échangé sur les répercussions et applications possibles. Vous trouverez ci dessous un résumé thématique de la discussion.
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Détournement des opioïdes d’ordonnance
Les programmes d’approvisionnement plus sécuritaire visent à offrir des solutions de rechange plus sûres que les drogues de la rue, mais le détournement des produits de remplacement fournis soulève des inquiétudes.
Les répercussions de cette problématique sur la santé publique demeurent toutefois méconnues. Il faudra mener davantage de recherches pour mieux comprendre les dynamiques du détournement et ses conséquences (p. ex. déterminer si les doses fournies se retrouvent dans les écoles ou entre les mains de jeunes).
Les données qualitatives mettent en évidence que le détournement d’opioïdes d’ordonnance s’effectue entre les membres d’une même famille ou entre amis afin d’empêcher le recours aux drogues de rue toxiques. Par exemple, un usager refilera de ses doses à un proche qui n’est pas en mesure de se procurer ou de faire renouveler une ordonnance.
Un sondage réalisé en Colombie Britannique a révélé que plus de 50 % des répondants n’ont pas reçu suffisamment de doses de remplacement pour apaiser leurs symptômes de sevrage, ce qui les incite à se tourner vers le marché illégal.
Afin de prévenir le détournement, il est primordial d’éliminer les obstacles à l’accès aux services et aux soins de santé essentiels et holistiques liés à la consommation de substances psychoactives. Il faut en outre accroître la disponibilité des produits de remplacement appropriés et l’accès à des programmes intégrés qui sont axés sur les besoins complexes de cette clientèle.
Nombre de mécanismes de détournement découlent d’un accès inadéquat aux services et de programmes lacunaires en approvisionnement plus sécuritaire et en traitement par agonistes opioïdes.
Des mesures de surveillance, dont le dépistage de drogues dans l’urine, ont été condamnées en raison de leur caractère déshumanisant et des obstacles qu’elles génèrent. Selon des recherches menées durant la pandémie de COVID 19, l’allègement des restrictions relatives aux doses à emporter, notamment dans le cas de la méthadone, accroît l’adhésion aux traitements sans augmenter les méfaits ou les surdoses.
Les chercheurs soulignent qu’il importe de tenir compte des données probantes sur la buprénorphine et la méthadone lorsqu’on se penche sur le phénomène du détournement. Des études montrent que le terme « détournement » ne reflète pas fidèlement la réalité; par exemple, de nombreuses personnes donnent leurs doses dans le but d’aider un ami ou un membre de la famille.
Selon une étude réalisée en Colombie Britannique, l’hydromorphone, l’une des substances offertes dans le cadre de l’approvisionnement plus sécuritaire, a peu d’incidence sur les décès par surdose.
Des estimations populationnelles précises quant au nombre de personnes qui consomment des drogues sont nécessaires avant de conclure que le détournement d’opioïdes d’ordonnance est généralisé et fait grimper le nombre de personnes à risque de surdose.
Ci dessous figurent les recommandations de lecture fournies dans le clavardage de MS Teams :
- Repenser le détournement de substances : Réflexions pour les professionnel·le·s de la santé
- « People need them or else they’re going to take fentanyl and die » : A qualitative study examining the ‘problem’ of prescription opioid diversion during an overdose epidemic (en anglais seulement)
- « People need them or else they’re going to take fentanyl and die » : A qualitative study examining the ‘problem’ of prescription opioid diversion during an overdose epidemic (en anglais seulement)
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Opposition de la communauté
La majorité des projets pilotes d’approvisionnement plus sécuritaire n’ont pas soulevé l’opposition de la communauté. En date d’aujourd’hui, le degré d’opposition demeure faible : seulement deux centres ont rencontré des problèmes de cet ordre, et il s’agissait, dans les deux cas, de la mise en place d’un nouveau programme ou service.
La plupart des gens ignorent la nature précise des services offerts dans les centres. En général, l’intégration des traitements par agonistes opioïdes aux projets d’approvisionnement plus sécuritaire a été accueillie favorablement, mais d’autres types de service ont rencontré de la résistance.
Il est important de tenir compte du contexte et des dynamiques propres à chaque communauté avant de mettre en œuvre des stratégies de prévention. C’est en comprenant et en abordant les préoccupations potentielles qu’on peut favoriser l’adhésion et le soutien aux projets d’approvisionnement plus sécuritaire et aux initiatives connexes.
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Conclusions liées aux régions rurales
Il existe divers obstacles structurels et difficultés propres aux milieux ruraux, notamment en ce qui a trait au respect de la vie privée et à la stigmatisation.
L’élimination de tels obstacles nécessite la mobilisation des membres de la communauté. Leurs commentaires et leurs conseils sont essentiels afin d’adapter les programmes d’approvisionnement plus sécuritaire aux situations et aux besoins particuliers de diverses populations, et ainsi d’accroître les retombées.
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Services intégrés
L’approvisionnement plus sécuritaire ne représente qu’un des volets d’une importante démarche. L’expression « services intégrés », présentement à la mode, suggère que les programmes sont bien pourvus en ressources. Or, en réalité, ces services sont souvent touchés par une pénurie de personnel.
La nature des services intégrés dépend des besoins particuliers des usagers, mais ces services devraient dans tous les cas viser à éviter que les usagers soient transférés d’un prestataire à l’autre.
Pendant la discussion, l’administrateur des programmes d’un centre de santé communautaire s’est exprimé sur les services intégrés. Il a souligné l’importance d’établir une équipe multidisciplinaire, composée de professionnels notamment dans les domaines des soins infirmiers, de la physiothérapie, du travail social, de la psychiatrie, des maladies infectieuses et du VIH/sida, capable d’agir sur plusieurs fronts en vue de s’attaquer en concertation aux problèmes d’ordre médical et social.
La discussion a par ailleurs mis en évidence le manque d’intervenants sociaux pivots, d’Aînés et de gardiens du savoir disponibles, de soutien culturel au mieux-être, de remèdes traditionnels, de modèles occidentaux en consultation psychosociale, de programmes de sensibilisation, de soutien aux personnes souffrant de douleur chronique, de logements, de lois et de services de santé mobiles.
En outre, les faits rapportés au Nouveau Brunswick ont mis en lumière des difficultés au sein du système de santé. Beaucoup d’efforts sont déployés pour fournir des services intégrés dans la province : le projet pilote permet de porter la voix des participants et d’accroître la sensibilisation du public par la tenue d’activités communautaires, et les partenariats tissés avec les organismes communautaires (p. ex. bibliothèque locale) ont facilité la création d’un programme de soutien à l’emploi. Or, des obstacles aux soins dentaires demeurent difficiles à surmonter.
Enfin, on a insisté sur l’importance de disposer du personnel et des ressources nécessaires pour offrir des services intégrés.
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Sites de consommation supervisée
L’efficacité des interventions a été éprouvée, à savoir qu’elles répondent aux besoins des usagers, mais, la plupart du temps, les exigences supplémentaires imposées aux sites de consommation supervisée ne s’accompagnent pas d’une hausse des ressources.
L’aiguillage des usagers ne suffit plus; il faut veiller à ce que ces derniers puissent accéder aux services essentiels. Le logement stable est l’un de ces services qui font défaut dans de nombreuses régions. Les sites de consommation supervisée peuvent sauver des vies, mais il est primordial de tenir compte de l’ensemble des besoins des usagers.
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Observations générales
Les occasions d’étendre certaines initiatives se sont estompées à l’éclatement de la crise du fentanyl.
Le détournement des opioïdes d’ordonnance a retenu l’attention des médias, mais les retombées des programmes de réduction des méfaits continuent de passer sous le radar. Il est important de contrecarrer les campagnes de désinformation ainsi que d’élargir la portée des projets dont l’efficacité a été démontrée.
Il faut continuer de produire des données probantes qui appuient les projets et dissiper tous les doutes.
Il faut également comprendre et définir plus clairement le concept d’approvisionnement plus sécuritaire.
Il est injuste que la défense des droits fondamentaux repose uniquement sur les épaules des personnes vulnérables. Les membres de la communauté doivent se mobiliser dès maintenant pour protéger les personnes à risque.
L’actualisation des lois peut prendre des dizaines d’années; pendant ce temps, des vies sont gravement en danger. En Alberta, plusieurs obstacles entravent l’ouverture de centres de prévention des surdoses, ce qui empêche l’accès à des services qui pourraient sauver des vies.
La création de modèles médicaux et communautaires s’impose pour appuyer les projets d’approvisionnement plus sécuritaire, et les lois peuvent en outre contribuer à mettre en œuvre ces initiatives de façon efficace.
Merci à tous les participants au forum d’échange de connaissances de mi parcours.
Renseignements
L’article intitulé Challenges of implementing safer supply programs in Canada during the COVID-19 pandemic: A qualitative analysis (en anglais seulement) a été publié après la tenue du forum d’échange de connaissances de mi parcours.
Si vous désirez recevoir le cahier d’information du forum, veuillez en faire la demande au Centre de contact des IRSC par courriel, à support-soutien@cihr-irsc.gc.ca.
De plus amples renseignements au sujet de la recherche financée par les IRSC sur la consommation de substances psychoactives sont accessibles sur Recherche sur les toxicomanies.
Pour en savoir plus sur l’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies des IRSC, visitez la page d’accueil de l'INSMT ou à INMHA-INSMT@cihr-irsc.gc.ca.
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