Pôle de l'Atlantique de l'ICRIS (nouveau) : Asseoir la réputation du Canada atlantique dans le domaine de la recherche sur la toxicomanie
Aux yeux des chercheurs en toxicomanie, la crise de toxicité des drogues qui se propage partout au Canada évoque l'image d'une énorme tempête qui se prépare à l'horizon; le sifflement du vent annonce la destruction à venir.
« Nous savons que les tendances en consommation de drogues émergent généralement dans l'ouest avant de faire leur chemin dans le reste du pays, ce qui constitue pour nous une sorte de système d'alerte », explique la Dre Sherry Stewart (en anglais seulement), psychologue clinicienne, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en dépendances et santé mentale et professeure aux départements de psychiatrie et de psychologie et neurosciences de l'Université Dalhousie (en anglais seulement).
« La bonne nouvelle pour nous, c'est que nous faisons partie d'un réseau pancanadien. Nous pouvons donc observer les mesures de lutte prises dans d'autres provinces, de la Colombie-Britannique au Québec, et séparer par la recherche le bon grain de l'ivraie. Résultat : les provinces de l'Atlantique sont mieux préparées. »
Un milieu en effervescence
La Dre Stewart est la chercheuse principale désignée du pôle de l'Atlantique (en anglais seulement) de l'Initiative canadienne de recherche sur les impacts des substances psychoactives (ICRIS) (en anglais seulement), un réseau formé de cinq pôles régionaux (en anglais seulement) financé par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Au lancement de l'ICRIS en 2015, les IRSC se sont questionnés sur la représentation de la région de l'Atlantique dans le réseau : devait-elle être indépendante du Québec ou intégrée au pôle de cette province?
« À l'époque, en partie à cause de la petite population des provinces de l'Atlantique, nous n'avions pas vraiment de chercheurs se spécialisant dans la recherche interventionnelle ou les essais contrôlés randomisés sur la toxicomanie. Le Québec, en revanche, disposait déjà de gens ferrés dans le domaine. Collaborer avec la province était donc essentiel », raconte la Dre Stewart.
Un partenariat stratégique a ainsi été conclu avec le Québec pour aider les provinces de l'Atlantique à renforcer leurs capacités au chapitre des essais cliniques sur la toxicomanie. Dans le cadre du premier essai national de l'ICRIS, désigné OPTIMA, qui compare l'efficacité de deux modèles de soins pour la prise en charge des troubles de l'usage d'opioïdes, les provinces de l'Atlantique ont joué un rôle de soutien en prenant part à des études auxiliaires, et même en en dirigeant quelques-unes, afin d'acquérir de l'expérience. Puis, en 2022, un pôle indépendant a été créé pour la région de l'Atlantique. Selon la Dre Stewart, ce pôle dispose désormais de la capacité de réaliser ses propres essais et de participer à des essais transnationaux depuis des sites situés dans sa région.
« Par exemple, nous sommes désormais dotés d'un site pour l'essai clinique ASCME, qui étudie la meilleure intervention fondée sur des données probantes pour le traitement du trouble de l'usage de la méthamphétamine, et nous avons la capacité d'établir rapidement un deuxième site si nécessaire. Il s'agit d'une avancée considérable pour nous. »
Les priorités de recherche du pôle de l'Atlantique
L'équipe de recherche du pôle de l'Atlantique utilise un modèle matriciel pour faire progresser trois domaines d'intérêt : l'accès rural au traitement et la télésanté; les jeunes et l'usage de substances psychoactives; la concomitance des problèmes de santé mentale et physique et de la toxicomanie (comorbidité). Ces trois domaines d'intérêt, explique la Dre Stewart, seront abordés sous trois angles importants.
« Nous avons formé des conseils consultatifs transversaux qui veillent à ce que toutes les recherches que nous menons tiennent compte du sexe et du genre, du point de vue des personnes ayant une expérience concrète entourant l'usage de substances psychoactives ainsi que du point de vue des Autochtones. Les travaux de notre pôle sont donc fondés sur une matrice de type “trois par trois”. »
Dans le cadre de son engagement à tenir compte des éléments susmentionnés, le pôle a récemment organisé un mawio'mi (ou rassemblement) portant sur la recherche comme une aide à la guérison (en anglais seulement). Des membres de communautés autochtones, des prestataires de services, des chercheurs et des personnes ayant une expérience concrète entourant l'usage de substances psychoactives se sont réunis pour discuter des besoins en recherche sur l'usage de substances psychoactives dans leurs communautés rurales et urbaines, de la souveraineté des données, des préjudices historiques liés à la recherche et de la combinaison des systèmes de connaissances autochtones et des méthodes occidentales pour encadrer la recherche.
En ce qui concerne la priorité accordée aux jeunes, les chercheurs du pôle de l'Atlantique étudient la fonction pulmonaire de jeunes qui vapotent de la nicotine (en anglais seulement). Ils contribuent également à un essai national randomisé sur la prévention de l'usage de substances psychoactives chez les mineurs au Canada (Canadian Underage Substance Use Prevention [en anglais seulement]) qui étudie les interventions ciblées sur la personnalité visant à réduire la consommation chez les jeunes des écoles secondaires canadiennes.
Enfin, dans le cadre des efforts du pôle en matière de comorbidité, la Dre Stewart codirige une étude multisites qui évalue les interventions ciblées sur des traits de personnalité pour améliorer la santé mentale et réduire les méfaits du trouble de l'usage d'opioïdes.
« J'ai toujours été fascinée par les différences individuelles liées à la personnalité et à la motivation qui sont à l'origine des choix de consommation et des risques pour la santé mentale, explique-t-elle. Si nous parvenons à mieux comprendre le lien entre des traits de personnalité (tels que la sensibilité à l'anxiété et l'impulsivité) et des troubles (comme le trouble panique ou les déficits d'attention) ainsi que des préférences pour certains types de substances psychoactives (par exemple, les sédatifs ou les stimulants), alors nous pourrons utiliser des approches ciblées sur la personnalité pour aider toutes sortes de gens à prendre en charge leurs problèmes de santé mentale et de consommation. C'est une nouvelle façon de faire qui me remplit d'enthousiasme. »
La collaboration, clé de la réussite
La Dre Stewart estime que le pôle de l'Atlantique de l'ICRIS contribuera à asseoir la réputation du Canada atlantique dans le domaine de la recherche sur la toxicomanie.
« J'espère de tout cœur que nous pourrons approfondir notre expertise concernant les essais contrôlés randomisés et d'autres approches de recherche interventionnelle dans le domaine. Mon rêve est de voir ce type de recherches se multiplier au Canada atlantique d'ici une dizaine d'années afin d'améliorer les services pour les habitants de la région qui souffrent de problèmes d'usage de substances psychoactives. »
Pour y parvenir, selon la Dre Stewart, il faut renforcer les capacités de recherche en collaborant avec des scientifiques non seulement dans les provinces de l'Atlantique, mais aussi à l'échelle du pays, en plus de faire participer les prestataires de services et les personnes ayant une expérience concrète à l'élaboration, à la réalisation et à l'application des travaux.
« Comme les services de traitement des dépendances sont organisés à l'échelle provinciale, il n'existait jusqu'à présent aucun mécanisme de communication entre l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve et le Nouveau-Brunswick, et ce, même si nous faisons souvent face à des problèmes semblables, précise la Dre Stewart. L'ICRIS nous permet d'apprendre les uns des autres, d'accroître les collaborations de recherche au sein du Canada atlantique et de participer à un véritable mouvement national de recherche translationnelle sur l'usage de substances psychoactives. »
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