Partie 3 : Étude d'interventions multi éléments dans toute une communauté
[ Table des matières ]Les cas suivants montrent comment des chercheurs travaillent en partenariat avec des communautés pour explorer des interventions faisant appel à plusieurs stratégies à de multiples niveaux pour introduire des changements dans toute la communauté et pour améliorer la santé de populations défavorisées.
- Cas 6 – Le programme interventionnel de nutrition et de style de vie Healthy Foods North : un programme interventionnel basé sur la communauté et sur l'information dans des communautés inuites et inuvialuites de l'Arctique canadien
- Cas 7 – Intervention auprès des jeunes enfants dans la communauté… c'est logique, mais est-ce que ça fonctionne vraiment? Constatations de notre étude de trois ans en collaboration
- Cas 8 – Programmes de nutrition dans les écoles de communautés isolées des Premières Nations de la région de l'ouest de la baie James : impact, défis et possibilités
Travailler avec les communautés et avec le secteur privé dans l'Arctique canadien
Le projet Healthy Foods North est un projet de recherche interventionnelle multiniveaux (individus, ménages, communautés et environnement) dans des communautés inuites et inuvialuites du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest. Avec une approche de méthodes mixtes pour évaluer l'impact de l'intervention, ce projet démontre la valeur du partenariat avec les membres de la communauté, les décideurs et les entreprises privées et l'intérêt d'activités basées sur les magasins d'alimentation et sur la communauté pour appuyer des changements individuels de nutrition et de style de vie.
Cas 6 – Le programme interventionnel de nutrition et de style de vie Healthy Foods North : un programme interventionnel basé sur la communauté et sur l'information dans des communautés inuites et inuvialuites de l'Arctique canadien
Sangita Sharma, Endowed Chair in Aboriginal Health and Professor of Aboriginal and Global Health Research, Department of Medicine, Faculty of Medicine and Dentistry, Université de l'Alberta, Edmonton, Alberta
Erin Mead, étudiante au doctorat, Department of Health, Behavior, and Society, Bloomberg School of Public Health, Johns Hopkins University, Baltimore, Maryland
Joel Gittelsohn, professeur, Center for Human Nutrition, Department of International Health, Bloomberg School of Public Health, Johns Hopkins University, Baltimore, Maryland
Lindsay Beck, étudiante en maîtrise ès sciences (Community Health Science), University of Northern British Columbia, Prince George, Colombie-Britannique
Cindy Roache, ministère de la Santé et des Services sociaux, gouvernement du Nunavut (au moment de la recherche)
Auteure-ressource : Sangita Sharma, gita.sharma@ualberta.ca
Introduction
Healthy Foods North (HFN) est un programme multiniveaux d'intervention en santé visant à alléger le fardeau croissant pour la santé publique et la société causé par le changement en matière de nutrition et de style de vie des populations autochtones de l'Arctique canadien (Sharma, 2010). Le programme HFN d'intervention dans la nutrition et le style de vie a pour buts de réduire le risque d'obésité et de maladies chroniques, d'améliorer la qualité de l'alimentation et d'accroître l'activité physique de la population cible. Avoir une bonne nutrition et un niveau modéré à élevé d'activité physique est important pour la prévention des maladies chroniques et des maladies infectieuses qu'un système immunitaire appauvri par une mauvaise nutrition ne peut pas facilement prévenir ni guérir. Les interventions antérieures ciblant les populations autochtones de l'Arctique n'avaient souvent pas pris une approche interventionnelle en santé des populations et consistaient largement en des programmes de média de masse adaptés et inspirés de programmes conçus pour des populations du sud du Canada.
Ce programme novateur a été élaboré pour remédier à des problèmes complexes de santé publique et à leurs facteurs sous-jacents. HFN visait à réduire l'incidence disproportionnée de nombreuses maladies chez les Inuits et les Inuvialuits par la prévention primaire (Sharma, 2010), contribuant par là à une plus grande équité en santé. Le soutien de la communauté pour le programme était crucial pour que son élaboration et sa mise en oeuvre soient culturellement appropriées, efficaces et viables. Pour obtenir ce soutien, l'équipe a établi des partenariats avec des intervenants des communautés, dont certains ont participé à l'étape formative visant à élaborer l'intervention. Certains ont été formés pour accomplir les activités de recherche et d'intervention (Gittelsohn et autres, 2010). Par conséquent, les peuples autochtones, les organisations et les communautés pourraient avoir une idée plus favorable de la recherche basée sur l'information recueillie qui contribue à l'amélioration de la santé.
Description du projet et leçons apprises
Healthy Foods North couvre six aspects critiques pour la promotion de la santé dans les communautés de l'Arctique :
- Mise en oeuvre d'une intervention basée sur l'information recueillie et sur les communautés culturellement appropriée, rigoureusement évaluée et durable
- Génération de données à jour sur l'alimentation, l'anthropométrie et l'activité physique, par exemple, sur lesquelles baser un programme
- Création de méthodologies propres aux populations pour surveiller les changements de régime
- Création d'une capacité locale de développement d'interventions de promotion de la santé et d'évaluation avec les communautés
- Création d'un mécanisme d'établissement de partenariats entre le secteur privé (marchands de nourriture au détail, compagnies aériennes et compagnies de transport), les communautés, le gouvernement et le monde universitaire
- Partage des résultats au niveau communautaire sous une forme culturellement appropriée (comme des posters et des exposés) et présentation des résultats localement et nationalement par des champions des communautés
L'étape de recherche formative d'HFN combinait des méthodes quantitatives et qualitatives de détermination des besoins et des préférences des populations pour établir un contexte afin de comprendre le processus décisionnel de l'alimentation et de l'activité physique (Sharma et autres, 2009, Sharma et autres, 2010, Gittelsohn et autres, 2010). L'intervention, ses messages et la documentation étaient basés sur la théorie sociale cognitive et sur les cadres d'écologie sociale applicable aux changements de comportement, à la collaboration entre partenaires, aux rappels de régime de 24 heures avec des adultes inuits/inuvialuits sélectionnés de façon aléatoire pour caractériser le régime et à des entrevues en profondeur. L'équipe de recherche a également organisé des ateliers communautaires participatifs de deux jours dans les quatre communautés du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest qui allaient devenir les communautés d'intervention (Gittelsohn et autres, 2010). Les participants à ces ateliers, sélectionnés par échantillonnage dirigé, étaient des intervenants des communautés incluant des aînés, des dirigeants des communautés, des représentants des programmes communautaires de santé, des gérants de magasin et d'autres membres des communautés. Ils ont identifié les aliments problèmes dans leurs communautés, précisé les choix santé plus appropriés, cerné les principaux messages et les principaux thèmes de l'intervention et précisé les moyens de les faire passer.
HFN a fonctionné aux niveaux de l'environnement, de la communauté, des ménages et des individus avec deux principaux éléments, des activités basées dans les magasins d'alimentation et des activités basées dans la communauté (Sharma, Gittelsohn, Rosol et Beck, 2010). Les activités basées dans les magasins comprenaient des réserves accrues d'aliments santé, des séances éducatives interactives (par exemple des dégustations de nourriture), des étiquettes sur les tablettes, des étalages et des posters. Les messages véhiculés dans les séances étaient renforcés par des distributions gratuites. Les activités basées dans la communauté étaient des cours de cuisine, des défis mesurés avec pédomètres, des clubs de marche, des banquets communautaires, des histoires racontées à la radio et des partenariats avec d'autres programmes locaux de santé. Des membres spécialement formés du personnel communautaire local ont animé toutes les activités. L'intervention pilote a été mise en oeuvre sur une période de 12 mois, en 2008 et en 2009, dans deux communautés inuites du Nunavut et dans deux communautés inuvialuites des Territoires du Nord-Ouest.
L'équipe a recueilli des données sur le régime, sur le comportement et sur l'activité physique ainsi que des données anthropométriques auprès des répondants inuits et inuvialuits des quatre communautés de l'intervention et de deux autres communautés où l'intervention a suivi, pour en évaluer l'impact. Les constatations préliminaires importantes sont une baisse de la consommation de calories et de glucides, une densité accrue de la consommation de certains éléments nutritifs et une baisse de 2,6 p. 100 de l'indice de masse corporelle moyen, compte tenu de l'âge, du sexe, de la situation socioéconomique et de la position des répondants dans le groupe d'intervention. Ces changements peuvent être attribuables à l'approche d'HFN de promotion consistant à substituer aux aliments et aux boissons faibles en éléments nutritifs et riches en matières grasses et en sucre des aliments traditionnels, des fruits, des légumes et des boissons à faible teneur en sucre, ainsi qu'à faciliter un accroissement de l'activité physique. Par exemple, les constatations préliminaires importantes révèlent une augmentation de la consommation de viandes traditionnelles et une baisse de la consommation de viandes à haute teneur en matières grasses achetées au magasin. Les comportements personnels efficaces et les intentions d'avoir un régime plus santé étaient également à la hausse. De l'étape formative à celle de l'évaluation de l'intervention, plus de 700 membres des communautés ont rempli des questionnaires ou participé à des entrevues (Sharma, 2010, Sharma et autres, 2009, Sharma, Gittelsohn et autres, 2010), et environ 60 ont travaillé au projet.
Un des plus grands problèmes à surmonter pour faire une recherche ou une intervention quelconque dans l'Arctique est l'isolement /l'éloignement des localités, qui pose des obstacles considérables tant logistiques que pour le personnel. En outre, de nombreuses communautés n'ont pas de programmes de santé qui leur permettrait d'établir des partenariats entre organisations, particulièrement avec le secteur privé. Dans le cas d'HFN, les collaborations entre la chercheure initiale, les communautés et le gouvernement ont commencé à établir les partenariats, l'infrastructure et la capacité essentiels à la mise en oeuvre d'un programme multiniveaux comprenant de multiples éléments quatre ans avant la mise en oeuvre de l'intervention elle-même. Un partenariat avec le secteur privé est un facteur crucial pour un programme comme celui-ci. Les entreprises de vente au détail de nourriture tout comme les autres organisations et entreprises (par exemple les instituts de recherche et les compagnies aériennes) soutenaient le programme, et elles y ont investi. Les expériences de l'équipe font ressortir la nécessité d'une communication complète et conséquente entre tous les intervenants et tous les partenaires à toutes les phases de l'élaboration, de la mise en oeuvre et de l'évaluation du programme. Mobiliser les intervenants au fur et à mesure a contribué à faire en sorte que les attentes soient respectées et que les principales leçons apprises soient communiquées.
Implications pour la recherche, les politiques et la pratique
HFN a fait le pont entre la recherche dirigée et la prise de décisions basées sur l'information recueillie. Tous les partenaires d'HFN ont joué un rôle d'importance vitale dans son succès : les communautés et les organisations autochtones ont fourni leur connaissance essentielle des valeurs sociétales en ce qui concerne la santé et la promotion de l'approche; les partenaires universitaires ont fourni leur compétence essentielle en méthodes de recherche et en conception de l'intervention; les gouvernements ont facilité la coordination globale du projet, particulièrement en mobilisant les partenaires dans une perspective stratégique (autrement dit les programmeurs en santé communautaire), et le secteur privé, plus particulièrement les marchands de nourriture au détail, qui ont contribué leur compétence essentielle dans les domaines des systèmes de transport de nourriture dans le Nord, de la commercialisation et de la promotion en magasin ainsi que de la prise de décisions sur l'offre des produits.
À chaque étape du programme, les résultats ont été partagés avec les partenaires et avec les intervenants, en leur offrant la possibilité de se servir des données pour améliorer les services de santé et les programmes de santé des populations. Par exemple, les résultats de l'évaluation préliminaire ont été présentés au gouvernement fédéral et aux gouvernements territoriaux. Les communautés se sont fait communiquer les résultats relatifs à la consommation d'aliments traditionnels et aux importantes contributions de ces aliments pour que leurs membres consomment suffisamment d'éléments nutritifs, ce qui était une des principales priorités des communautés.
En outre, les partenaires détaillants, membres des communautés, fonctionnaires et universitaires ont présenté les résultats d'HFN dans un congrès international. De plus, les membres des communautés et les partenaires gouvernementaux ont contribué à la recherche et à l'intervention. Par exemple, les valeurs traditionnelles décrites par les participants aux ateliers avaient été incorporées en tant que motifs familiaux dans l'intervention dont elles avaient également formé la base d'étapes entières (une étape d'aliments du pays). L'équipe d'intervention était composée de membres des communautés qui ont contribué au raffinement constant des activités d'intervention. Il est essentiel de partager largement les résultats et l'information de même que de soutenir tous les partenaires dans le projet pour souligner son succès et pour maintenir le mouvement. C'est pour cette raison que les résultats sont actuellement communiqués aux communautés.
HFN a été incorporé dans la politique de santé publique aux niveaux des territoires et des communautés, notamment dans le Cadre d'action pour la nutrition du Nunavut et dans Développer des communautés en santé : une stratégie de santé publique pour le Nunavut, ainsi que dans le Plan d'action de la Fondation pour le changement des Territoires du Nord-Ouest de 2009 à 2012. Pourtant, même avec des résultats si positifs, il reste encore bien du travail à faire. En réunissant de l'information et des partenaires aussi variés, HFN a le potentiel d'être un tremplin vers une prise de décisions innovatrice pour des systèmes de santé.
L'approche d'HFN consistant à faire participer tous les intervenants à un processus à la fois ouvert et innovateur peut-être généralisée et appliquée dans un certain nombre de systèmes de santé et de contextes communautaires, particulièrement dans les communautés autochtones, éloignées et isolées. HFN avait commencé au Nunavut et son volet des Territoires du Nord-Ouest s'y est ajouté assez facilement, ce qui montre que son cadre et son approche peuvent être appliqués dans de nouveaux contextes. Les communications et les activités au niveau des communautés ont été conçues avec une importante contribution communautaire, et les communautés ont demandé depuis à se servir des outils de communications et de la conception globale du programme pour s'attaquer à d'autres problèmes de santé publique, comme le tabagisme. Des résultats utiles, tels que les portions typiques pour divers aliments, seront mis à la disposition des cliniciens, qui pourront s'en servir pour des traitements individuels et du counseling ainsi que pour la conception de programme de santé des populations. D'un point de vue éthique, HFN tenait à la durabilité générale du programme et à son à propos, dont l'utilisation d'aliments faciles à trouver, faciles à obtenir et abordables.
Les intervenants des communautés peuvent avoir des priorités différentes de celles des chercheurs; ces priorités doivent être incorporées dans l'élaboration et la mise en oeuvre du programme. Les membres des communautés qui ont fait partie du personnel du programme et qui ont compté parmi ses éducateurs pairs ont été un important élément de son succès, quoique le taux de roulement élevé ait posé un problème, ce qui laisse peut-être entendre qu'il aurait fallu plus de souplesse en matière d'emploi. Les membres des communautés ont joué un grand rôle en traduisant les constatations de la recherche en éléments pratiques et culturellement pertinents d'élaboration et de mise en oeuvre du programme. En formant des membres des communautés pour qu'ils puissent se charger d'activités de recherche et d'intervention, les universitaires ont partagé leurs connaissances avec les communautés et avec d'autres intervenants, en renforçant ultimement leur capacité et, espérons le, en améliorant le rendement global du système de soins de santé d'un point de vue communautaire, régional et territorial.
Compte tenu de toute l'importance accordée à la participation des communautés et de la valeur reconnue à la culture et aux normes des Inuits et des Inuvialuits durant toute l'élaboration du programme, l'information recueillie et les leçons apprises sont potentiellement applicables aux autres communautés inuvialuites et inuites. Qui plus est, le programme HFN et sa conception de la recherche peuvent être le complément d'autres programmes adaptés à des contextes communautaires spécifiques, particulièrement dans des communautés autochtones. HFN peut devenir un modèle de programmation de promotion durable de la santé et de recherche interventionnelle en santé des populations, en rendant l'éducation sur la nutrition et le style de vie culturellement appropriée tout en améliorant la santé des Autochtones. Les futures initiatives de recherche interventionnelle en santé des populations ont le potentiel non seulement d'améliorer la santé au niveau de la communauté locale, mais aussi d'entraîner des changements de politiques plus généraux en santé des populations.
Pour plus d'information sur les résultats avant l'intervention, veuillez vous reporter à la publication suivante : http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/jhn.20s10.23.issue-s1/issuetoc
Remerciements
Healthy Foods North (HFN) aimerait exprimer ses sincères remerciements à toutes les personnes, toutes les organisations, toutes les communautés, tous les conseils de village, tous les comités de santé et tous les gérants de magasin d'alimentation qui ont joué un rôle essentiel dans l'élaboration et la mise en oeuvre d'HFN au Nunavut et dans les Territoires du Nord Ouest, particulièrement Mme Elsie De Roose, Mme Renata Rosol et les nombreux membres des équipes d'HFN au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest. L'équipe remercie l'Aurora Research Institute et la Beaufort Delta Health and Social Services Authority pour leur soutien. Elle remercie également tous les participants des communautés où sa recherche a été menée, de même que les coordonnateurs de projet, le personnel des communautés, le personnel de recherche et les collaborateurs dont l'aide a été inestimable; ils se sont tous dévoués sans relâche et ce projet n'aurait pas réalisable sans leur aide. Le projet a bénéficié du financement ou du soutien de l'American Diabetes Association Clinical Research Award Grant # 1-08-CR-57, du ministère de la Santé et des Services sociaux du gouvernement du Nunavut, du ministère de la Santé et des Services sociaux du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, de l'Association de santé publique des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut, de Santé Canada et de l'Agence de santé publique du Canada.
Références
Gittelsohn, J., Roache, C., Kratzmann, M., Reid, R., Ogina, J. et Sharma, S. (2010). Participatory research for chronic disease prevention in Inuit communities. American Journal of Health Behavior 34 453-464.
Sharma, S. (2010). Assessing diet and lifestyle in the Canadian Arctic Inuit and Inuvialuit to inform a nutrition and physical activity intervention programme. Journal of Human Nutrition and Dietetics 23 (Suppl. 1) 5-17.
Sharma, S., Cao, X., Roache, C., Buchan, A., Reid, A. et Gittelsohn, J. (2010). Assessing dietary intake in a population undergoing a rapid transition in diet and lifestyle: the Arctic Inuit in Nunavut, Canada. British Journal of Nutrition 103 749-759.
Sharma, S., De Roose, E., Cao, X., Pokiak, A., Gittelsohn, J. et Corriveau, A. (2009). Dietary intake in a population undergoing a rapid transition in diet and lifestyle: The Inuvialuit in the Northwest Territories of Arctic Canada. CJPH 100 442-448.
Sharma, S., Gittelsohn, J., Rosol, R. et Beck, L. (2010). Addressing the public health burden caused by the nutrition transition through the Healthy Foods North nutrition and lifestyle intervention programme. Journal of Human Nutrition and Dietetics 23 (Suppl. 1) 120-127.
Établir des partenariats aux niveaux de la recherche, des politiques et de la pratique
Le projet d'évaluation KidsFirst a été réalisé en partenariat entre des chercheurs, des planificateurs de programmes et des représentants du gouvernement pour évaluer l'efficacité d'une intervention auprès d'enfants à risque. C'est la démonstration d'une approche en partenariat qui emploie des méthodes mixtes pour évaluer des programmes en explorant leur valeur dans une intervention aux niveaux de l'individu, de la famille et de la communauté pour soutenir des changements dans des communautés à risque.
Cas 7 – Intervention auprès des jeunes enfants dans la communauté… c'est logique, mais est-ce que ça fonctionne vraiment? Constatations de notre étude de trois ans en collaboration
Fleur Macqueen Smith, MA, Université de la Saskatchewan, Saskatoon, Saskatchewan
Nazeem Muhajarine, Ph. D., Université de la Saskatchewan, Saskatoon, Saskatchewan
Hongxia Shan, Ph. D., Université de la Saskatchewan, Saskatoon, Saskatchewan
Darren Nickel, Ph. D., Université de la Saskatchewan, Saskatoon, Saskatchewan
Équipe de recherche sur les enfants en santé, Saskatchewan Population Health and Evaluation Research Unit, Université de la Saskatchewan, Saskatoon, Saskatchewan, pour le compte de l'Équipe de recherche évaluative KidsFirst*
Auteure-ressource : Fleur Macqueen Smith, fleur.macqueensmith@usask.ca
Introduction
KidsFirst est une intervention du gouvernement provincial en santé des populations ciblée sur les enfants vulnérables et sur leurs familles administrée localement dans neuf communautés à risque de la Saskatchewan. Elle s'est servie de visites intensives au foyer pour renforcer la capacité des familles, promouvoir le développement d'enfants en santé et faciliter l'atteinte d'objectifs pour les parents (tels que retourner à l'école ou trouver un emploi). KidsFirst a aussi mis les familles en contact avec des services de santé mentale et de toxicomanie de même qu'avec des programmes d'apprentissage et de garde des jeunes enfants.
L'équipe de recherche a récemment mené à bien une évaluation de trois ans visant à déterminer l'efficacité de KidsFirst en se servant d'une approche intégrée d'application des connaissances dans laquelle les décideurs ont été mobilisés durant tout le processus de recherche (sélectionner « KidsFirst » dans le menu Projects à gauche). Le projet est un exemple de recherche interventionnelle basée sur la communauté; il a réuni des chercheurs (en santé communautaire et en épidémiologie, en travail social, en économie, en science politique et en sciences infirmières), des gestionnaires de programme de KidsFirst et des responsables de politiques du gouvernement (des domaines de l'éducation, de la santé, des services sociaux et des relations avec les Premières Nations et les Métis) pour faire en sorte que les connaissances générées par l'évaluation se traduisent en améliorations de programmes.
KidsFirst vise l'équité en santé en ciblant les familles qui en ont le plus besoin afin d'améliorer le bien-être des enfants et le fonctionnement familial. Il se concentre également sur les facteurs en amont déterminants pour la santé et le développement des enfants, en intervenant sur eux, et il renforce la communauté dans son ensemble. L'évaluation a une valeur pratique tant pour le programme que pour les autres activités interventionnelles auprès de la petite enfance, parce qu'elle :
- est focalisée sur le développement des enfants des familles vulnérables, un sujet qui a attiré l'attention dans le monde entier (Keating et Hertzman, 1999)
- intègre des constatations résultant de l'application de multiples méthodes (Muhajarine et al., 2010)
- s'inscrit dans un cadre clair, élaboré en collaboration avec le personnel du programme (Muhajarine et al., 2010)
Description du projet et leçons apprises
Ce projet a été entrepris quand le directeur de l'unité gouvernementale responsable de KidsFirst a approché le principal enquêteur, Dr Nazeem Muhajarine, en raison de ses travaux antérieurs d'établissement de buts et objectifs de programme et de l'excellente réputation que lui valent sa recherche sur la santé des enfants et son application des connaissances. Par la suite, Dr Muhajarine a réussi à obtenir du financement de l'extérieur grâce à un processus d'examen par les pairs et à réunir une équipe de chercheurs et de décideurs pour réaliser l'évaluation.
De 2007 à 2010, l'équipe a eu recours à des méthodes mixtes pour déterminer l'efficacité avec laquelle le programme aidait les familles et les communautés participantes à faire des changements positifs. Elle a commencé par établir un cadre d'évaluation en collaboration avec le personnel du programme et à élaborer un document de fond. Ensuite, elle a réalisé des études quantitatives et qualitatives pour évaluer les effets à court terme du programme et pour déterminer comment ils avaient été obtenus. Pendant que l'équipe élaborait les questions de recherche en collaboration avec les gestionnaires de programme, des chercheurs qui n'avaient aucun contrôle sur le fonctionnement ni sur la conception du programme mettaient la dernière main aux méthodes et à l'interprétation des données. En plus d'avoir obtenu l'approbation éthique de l'Université de la Saskatchewan, l'étude a été approuvée par les régions responsables de la santé de chacun des neuf sites du programme.
Pour l'étude quantitative, l'équipe a analysé les données régulièrement recueillies sur le programme afin d'évaluer le fonctionnement familial de même que la santé et le développement des enfants. Elle a aussi employé un groupe témoin et analysé les statistiques vitales et les données d'utilisation des soins de santé représentant de mauvais résultats en matière de naissances et de soins de santé. Pour l'étude qualitative, elle a réalisé 84 entrevues et organisé 27 groupes de réflexion avec 242 clients adultes du programme, membres du personnel de programmes et représentants du gouvernement pour révéler les pratiques et les processus contribuant à de bons résultats quant à la santé des enfants.
Les constatations révèlent que KidsFirst peut contribuer à faire en sorte que les enfants vivant dans des conditions où ils sont très vulnérables soient bien traités par des familles fonctionnelles en santé. Les principales activités consistaient à travailler avec les parents pour accroître leurs connaissances et leur détermination, à répondre aux besoins fondamentaux des familles, notamment en les aidant à avoir accès à la nourriture, aux transports et aux services et à intégrer les familles dans leurs communautés en les mettant en rapport avec les services, en organisant des activités sociales et en aidant les clients à retourner à l'école ou sur le marché du travail. Les gestionnaires de programmes ont constaté qu'ils servaient mieux les familles en établissant des relations de collaboration avec d'autres organisations de leurs communautés au service des mêmes clients. Les participants à l'étude qualitative ont déclaré que de nombreux parents avaient reçu des services de santé mentale et de toxicomanie grâce à KidsFirst.
Même avec ces succès, l'équipe a constaté que le programme avait de la difficulté à trouver les ressources humaines et la capacité de personnel suffisantes pour répondre aux besoins complexes de certaines familles. Typiquement, ce problème a été constaté lorsque des familles sont aux prises avec des crises cycliques comme des problèmes de santé mentale et de toxicomanie, qu'elles doivent composer avec l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale (dont les parents et les enfants souffrent) et qu'elles sont itinérantes ou sans abri.
Les longues distances séparant les partenaires et leurs opinions différentes de la recherche signifiaient qu'un effort concerté s'imposait pour que les chercheurs universitaires puissent garder le contact, qu'une diligence constante était nécessaire pour éviter les malentendus et qu'il fallait faire preuve de bonne foi et discuter pour aplanir les difficultés au fur et à mesure. Il était également difficile d'évaluer un programme dépourvu de l'infrastructure nécessaire à une évaluation systématique en continu. En effet, même si l'on recueille continuellement beaucoup de données sur le programme, des problèmes de qualité, de fiabilité, d'exhaustivité et de pertinence ont mené l'équipe à recommander un examen approfondi des procédures existantes de collecte de données. L'équipe a également recommandé l'ajout de procédures de vérification et de contrôle de qualité qui accroîtraient la validité des données (Muhajarine, Glacken, Cammer et Green, 2007).
Implications pour la recherche, les politiques et la pratique
L'expérience a démontré que la recherche interventionnelle basée sur la communauté peut réunir les chercheurs, les gestionnaires de programmes et les responsables de l'élaboration des politiques gouvernementales. La recherche interventionnelle efficace en santé des populations repose sur le principe de la collaboration entre ceux qui conçoivent et mettent en oeuvre les programmes, puisqu'ils peuvent appliquer les connaissances générées pendant une évaluation dans des politiques et dans la pratique pour améliorer les programmes. Les partenaires idéaux pour ce genre de recherche sont décidés à participer pleinement dès les premières étapes de l'étude et déterminés à agir par la suite sur la foi de l'information indépendante qu'elle a produite.
Après une rencontre d'une journée consacrée à l'élaboration conjointe d'un modèle logique du programme et d'un cadre d'évaluation, les chercheurs se sont réunis tous les quelques mois avec les gestionnaires de programmes et les représentants du personnel de l'unité gouvernementale responsable de KidsFirst. Entre ces rencontres, l'enquêteur principal et le personnel de recherche ont eu des interactions régulières par téléphone et par courriel avec ces mêmes partenaires. Les chercheurs ont également eu des interactions aux premières étapes du projet avec un comité consultatif composé de fonctionnaires représentant les quatre ministères contribuant à KidsFirst. Il n'y a pas encore eu de rencontre de suivi avec le comité consultatif pour discuter des résultats et des recommandations découlant de la recherche.
Durant toute l'évaluation, l'équipe a partagé ses constatations, en les présentant à des auditoires provinciaux et nationaux dans des conférences et dans des publications. Pour faciliter l'acceptation des constatations de la recherche, elle a également produit une série de rapports conjoints incluant un cadre d'évaluation, des profils de site, un examen de la littérature sur les visites au foyer, des rapports quantitatifs et qualitatifs, un résumé de ses constatations et de ses recommandations et des rapports propres aux sites. L'équipe a diffusé des copies sur support électronique et sur papier de ces rapports et les a affichées en ligne. Elle les a également fait parvenir à 90 intervenants répartis dans toute la province qui ont assisté à une rencontre d'une journée pour discuter des constatations du projet et pour donner leur rétroaction. À la suite de cette rencontre, l'équipe a révisé les rapports finals basés sur la rétroaction et les a redistribués. Elle prévoit d'autres activités d'application des connaissances par suite du financement supplémentaire qu'elle a reçu.
Les constatations de l'équipe laissent entendre que le personnel du programme devait établir de solides relations avec ses clients avant que ceux ci soient réceptifs à l'information nouvelle et tentent de nouvelles façons d'agir comme parents ou d'avoir des interactions avec les autres membres de la communauté. Ces constatations ont été corroborées par un examen de la littérature sur les programmes de visites au foyer. L'équipe est convaincue que ces constatations peuvent être généralisées et étendues à d'autres sortes de programmes d'intervention. Avec une information fiable recueillie grâce à la recherche pour en témoigner, on devrait considérer l'établissement d'une relation de confiance comme une pratique essentielle pour les fournisseurs de services basés dans la communauté qui travaillent avec des populations vulnérables.
En dépit de la nature collaborative de l'évaluation et du haut niveau d'interaction avec les décideurs, il est difficile de savoir si elle entraînera un changement à grande échelle des politiques provinciales. Il est plus probable que les pratiques vont changer au niveau de la communauté et que des changements des politiques pourront être introduits sur une petite échelle. En sa qualité de groupe de chercheurs, l'équipe se situait entre les praticiens et les défenseurs de la communauté, qui géraient le programme sur le terrain, et les représentants gouvernementaux investis de responsabilités provinciales; c'était parfois difficile, en raison des différences d'opinions sur la façon de mettre en oeuvre, de gérer et d'évaluer le programme.
Il est généralement reconnu qu'il est indispensable d'établir une relation avec les décideurs pour pouvoir travailler efficacement avec eux. Cela dit, les chercheurs ne peuvent compromettre ni la solidité, ni la pertinence de leur recherche pour se les concilier; la recherche doit être à la fois extrêmement valide et extrêmement pertinente pour les politiques afin d'avoir la meilleure chance possible d'améliorer les politiques et la pratique (Martens et Roos, 2005). Enfin, l'équipe conseille à qui veut l'entendre de ne pas se laisser décourager; même s'il est beaucoup plus difficile de travailler de cette façon que de faire des études dirigées par le chercheur lui même, cela peut aussi être plus énergisant et beaucoup plus susceptible de faire une différence.
Remerciements
*Les membres de l'Équipe de recherche évaluative KidsFirst sont : Nazeem Muhajarine (principal enquêteur), Gail Russell (directrice, Unité de développement de la petite enfance, ministère de l'Éducation de la Saskatchewan), David Rosenbluth (directeur de l'Évaluation, ministère des Services sociaux) et Angela Bowen, Jody Glacken, Kathryn Green, Bonnie Jeffery, Thomas McIntosh et Nazmi Sari, membres du corps enseignant à la SPHERU, le boursier de recherches postdoctorales Hongxia Shan et le personnel de recherche : Darren Nickel, Fleur Macqueen Smith, Robert Nesdole, Kristjana Loptson, Shainur Premji, Hayley Turnbull, Taban Leggett, Kathleen McMullin et Julia Hardy, ainsi que les étudiants Jillian Lunn, Karen Smith, Vince Terstappen, David Climenhaga, Brayden Sauve et Curtis Mang.
Cette évaluation a été financée par l'Initiative sur la santé de la population canadienne – Institut canadien d'information sur la santé (étude quantitative), le gouvernement de la Saskatchewan (cadre d'évaluation et étude qualitative), MITACS et le College of Medicine de l'Université de la Saskatchewan (financement pour les assistants de recherche).
Références
Keating, D.P., et Hertzman, C., (éds.). (1999). Developmental health and the wealth of nations: Social, biological, and educational dynamics. New York, N.Y. : Guilford Press.
Martens, P.J. et Roos, N.P. (2005). When health services researchers and policy makers interact: Tales from the tectonic plates. Healthcare Policy, 1(1), 72-84.
Muhajarine, N. et al. Saskatchewan KidsFirst Program Evaluations: Summary of Findings and Recommendations; Report of the Quantitative Study; Report of the Qualitative Study. Trouvé sur le site Web kidSKAN : http://kidskan.ca/taxonomy/term/37
Muhajarine, N., Glacken, J., Cammer, A., Green, K. et l'équipe d'évaluation de KidsFirst. (2007). KidsFirst program evaluation: Phase 1. Evaluation Framework. Trouvé sur le site Web kidSKAN : http://kidskan.ca/node/174
Donner aux communautés le pouvoir de soutenir la nutrition dans les écoles
Ce projet a été réalisé en collaboration par des universitaires et des communautés des Premières Nations afin de mettre en oeuvre des interventions en nutrition basées dans des écoles et d'améliorer l'accès à des régimes santé de qualité. Il a fait ressortir les facteurs favorables à un changement durable dans des localités éloignées, incluant la conception et la mise en oeuvre complètes de programmes, une infrastructure propice, comme des programmes et des politiques scolaires modifiés, des jardins-serres, du financement et des champions et des bénévoles locaux.
Cas 8 – Programmes de nutrition dans les écoles de communautés isolées des Premières Nations de la région de l'ouest de la baie James : impact, défis et possibilités
Rhona Hanning, R.D., Ph. D., professeure agrégée, Department of Health Studies and Gerontology and Propel Centre for Population Health Impact, Université de Waterloo, Waterloo, Ontario
Kelly Skinner, M. Sc., M.H.P., candidate au doctorat, Université de Waterloo, Waterloo, Ontario
Michelle Gates, R.D., M. Sc., candidate au doctorat, Université de Waterloo, Waterloo, Ontario
Allison Gates, R.D., M. Sc., candidate au doctorat, Université de Waterloo, Waterloo, Ontario
Len Tsuji, D.D.S., Ph. D., professeur, Department of Environment and Resource Studies, Université de Waterloo, Waterloo, Ontario
Auteure-ressource : Rhona Hanning, rhanning@uwaterloo.ca
Introduction
Les enfants autochtones du Canada qui vivent dans des communautés éloignées des Premières Nations dans le Nord sont exposés à des risques élevés de régimes malsains, largement en raison de leur mauvaise situation socioéconomique et de leur accès réduit à des aliments santé. Le résultat peut-être la malnutrition, qui contribue à la forte prévalence d'obésité et de maladies chroniques susceptibles d'affliger cette population.
Le projet a tenté d'obtenir de l'information spécifique aux communautés sur la consommation de nourriture des enfants et des adolescents pour remédier aux problèmes de santé de cette population. Les chercheurs ont commencé par travailler avec des Premières Nations de l'ouest de la baie James pour adapter, valider et appliquer le Questionnaire basé sur le Web au sujet des comportements alimentaires pour écoles de l'Université de Waterloo. Les résultats ont révélé des taux alarmants d'obésité et de mauvais régimes. Pour cerner les possibilités de changement, les chercheurs ont choisi une approche de collaboration axée sur la communauté et reposant sur une base de confiance, d'équité et de respect entre les partenaires de la communauté et les universitaires (Skinner, 2006). Des programmes de nutrition dans les écoles étaient considérés comme une intervention faisable et souhaitable pour améliorer la santé de cette population vulnérable.
Les objectifs des chercheurs consistaient à élaborer et à mettre en oeuvre trois programmes de nutrition distincts à l'échelle des écoles dans les Premières Nations ontariennes de Fort Albany, Kashechewan et Attawapiskat, puis à évaluer leur impact sur la consommation de nourriture des élèves. Ils voulaient également décrire ce qui fonctionnait ou ce qui pourrait être amélioré, du point de vue des intervenants de la communauté. En définitive, le but de la recherche consistait à donner aux membres de la communauté les moyens nécessaires pour réduire le manque d'équité en matière de nutrition et de santé dans des communautés éloignées des Premières Nations, en appuyant des approches soutenues à cette fin. Bien que cette démarche soit d'abord pertinente pour les communautés intéressées, en soulignant les obstacles perçus au niveau du programme et de la communauté, les chercheurs espèrent également inciter les principaux décideurs et les principaux responsables des politiques à prendre les mesures appropriées pour réduire les inégalités en matière de santé dans les communautés autochtones.
Description du projet et leçons apprises
Entre 2004 et 2010, l'équipe du projet a élaboré et mis en oeuvre des programmes basés sur la théorie sociale cognitive afin d'améliorer les régimes des élèves. Elle leur a fourni des aliments santé à l'école et, dans certains programmes, par l'intermédiaire de la politique d'alimentation des écoles, des programmes d'enseignement et des services d'éducation des parents/de la communauté. Les partenaires universitaires ont contribué à la planification des programmes, fourni du financement de démarrage, formé les assistants dans la communauté à la mise en oeuvre du programme, à la planification des menus, à l'achat de nourriture et à la rédaction des demandes de subventions, appuyé l'intervention au niveau du programme d'enseignement et coordonné les évaluations des programmes. Des membres des écoles, des unités de santé et de la communauté dans son ensemble ont participé au comité consultatif de projet de chaque communauté. Toutefois, les conseils de bande ont généralement gardé leurs distances (en se contentant d'écrire des lettres de soutien des demandes de financement, en se sensibilisant au projet et en recevant les rapports de rétroaction des écoles). Cette approche participative était favorisée par la présence constante des partenaires universitaires et des élèves dans les communautés.
Les interactions liées au projet des chercheurs avec les membres des comités consultatifs et avec leurs réseaux ainsi qu'avec les lieux de travail ont encore accru le soutien de la communauté. L'engagement à long terme et la présence des mêmes chercheurs (autrement dit la continuité) est d'une extrême importance lorsqu'on entreprend une recherche basée sur la communauté, particulièrement dans des communautés autochtones. Bien que les chercheurs aient pris soin d'intégrer des activités structurées d'échange de connaissances sur le projet dans leur démarche pour renforcer cette relation, leurs interactions informelles avec les membres de la communauté au cours de leurs activités quotidiennes d'achat, par exemple, étaient probablement plus importantes encore que leurs interactions structurées. L'appui de la communauté ne se gagne pas en un jour, et il doit être encouragé avec le temps.
L'équipe a évalué les changements de la consommation de nourriture et d'éléments nutritifs des élèves de la sixième à la dixième années à l'aide du questionnaire basé sur le Web au sujet des comportements alimentaires de l'École de l'Université de Waterloo, qui prévoyait une période de rappel de 24 heures adaptée de façon à inclure des aliments traditionnels locaux de même que des photos pour l'estimation des portions, des questions sur la fréquence et la connaissance des aliments ainsi que sur l'efficacité personnelle, de même que des questions d'intention adaptées du questionnaire Pro Children (De Bourdeaudhuij et autres, 2005). Les chercheurs ont évalué les processus et déterminé les impacts en se basant sur la documentation relative au cas, sur des entrevues et sur des groupes de réflexion organisés avec des élèves, des enseignants et des membres de la communauté, en analysant le tout thématiquement. L'étude a été approuvée par l'Office of Research Ethics de l'Université de Waterloo, et l'équipe de recherche avait opté pour le consentement passif des parents afin d'obtenir la participation des élèves, à la demande des comités consultatifs de projet de chaque communauté. Les lettres d'information envoyées aux parents n'ont essuyé aucun refus; les taux de réponse élevés étaient vraisemblablement attribuables à la charge familiale réduite d'un consentement passif plutôt qu'actif.
Les résultats ont révélé que le rendement des programmes allait d'excellent (conception exhaustive, fourniture quotidienne de nourriture, programme d'enseignement et politiques modifiés, jardin serre) rendu possible par un financement soutenu et un champion local à un mauvais rendement (fourniture aléatoire de goûters) imputable à un financement insuffisant, une infrastructure médiocre et un manque de soutien par des bénévoles. Dans les groupes de réflexion organisés après les programmes, les membres de la communauté se sont dits fiers de leurs programmes. Les enseignants ont signalé une meilleure conduite en classe les jours où l'on fournissait de la nourriture, en disant que les élèves étaient plus éveillés, plus motivés et plus attentifs. Les élèves aimaient la nourriture qu'on leur distribuait et les cours interactifs; ils avaient accru leur exposition à de nouveaux choix d'aliments et leurs préférences pour ces nouveaux choix. Les sondages sur les régimes ont révélé que la consommation des groupes alimentaires sur lesquels on insistait dans les programmes et celle des éléments nutritifs de ces groupes d'aliments par les participants avait nettement augmenté à court terme. Toutefois, dans le suivi à long terme, ces améliorations sensibles ne s'étaient pas maintenues, en dépit des connaissances accrues des élèves (quand on avait intégré le programme d'enseignement au projet) et de leurs intentions de manger plus santé. En outre, la qualité globale des régimes restait majoritairement « à améliorer ». L'absence d'amélioration soutenue était en partie attribuable à l'intégrité réduite du programme à cause des ressources limitées.
Implications pour la recherche, les politiques et la pratique
La recherche a ajouté à la littérature selon laquelle la prévalence de l'excès de poids et de l'obésité est plus élevée – et la qualité du régime inférieure – chez les enfants et les adolescents autochtones que dans la population générale. Elle a démontré que les programmes de nutrition dans les écoles peuvent influer favorablement sur le comportement alimentaire des enfants vulnérables vivant dans des communautés éloignées des Premières Nations de l'Ontario, dans des conditions idéales, et ultimement promouvoir l'équité en santé. Il faut toutefois surmonter de nombreux obstacles pour ce faire.
Les programmes de nutrition dans les écoles des communautés éloignées isolées ont de grands besoins de ressources (financement, nourriture, personnel et infrastructure) pour être capables d'avoir un effet soutenu et de réduire les inégalités en matière de santé. Même si l'équipe de recherche avait fourni un financement de démarrage et de l'aide pour rédiger des demandes de subventions, les subventions de l'extérieur étaient insuffisantes pour couvrir les coûts locaux élevés de la nourriture. En outre, dans ces communautés éloignées, contrairement aux communautés urbaines, la capacité de levée de fonds est insuffisante, surtout parce qu'il y a bien peu d'entreprises locales avec lesquelles établir des partenariats. Qui plus est, le soutien financier fourni par les conseils de bande des Premières Nations n'était pas conséquent, en raison de priorités concurrentes.
Les quantités limitées d'aliments santé disponibles dans les magasins de la communauté constituaient également un obstacle énorme. La seule école qui ait respecté régulièrement les lignes directrices stratégiques applicables à des aliments et à des boissons santé acceptables nolisait un avion pour se faire livrer de la nourriture de l'extérieur. Dans une localité éloignée, la logistique de l'obtention, de l'entreposage, de la préparation et de l'offre de quantités suffisantes de nourriture santé à jusqu'à 400 élèves peut poser d'incroyables défis.
La plupart des programmes de nutrition dans les écoles n'ont pas de fonds pour payer du personnel, de sorte que les coordonnateurs doivent être des bénévoles. Une seulement des trois communautés avait un champion de la nutrition à l'école de longue date, et elle avait également un programme qui fonctionnait très bien et qui s'était établi au fil des années. Dans les deux autres communautés, il a été plus difficile de trouver un bénévole pour le programme de nutrition à l'école; quand on a trouvé une personne pour assumer ce rôle, elle n'était pas régulièrement disponible. Même si ces écoles étaient tout à fait disposées à appuyer le programme, elles étaient souvent aux prises avec leurs propres besoins de dotation et ne pouvaient pas satisfaire à ses exigences.
Ces écoles fonctionnaient avec des classes mobiles; leurs installations de préparation, de livraison et d'entreposage de nourriture et de boissons étaient réduites au strict minimum, voire dans certains cas inexistantes. Pourtant, même des programmes médiocres étaient perçus comme offrant des avantages aux nombreux enfants qui avaient faim en arrivant à l'école.
Les programmes et le matériel doivent être adaptés pour répondre aux besoins des populations auxquelles ils s'adressent. Dans la communauté où un volet éducatif a été présenté pour la première fois, il a fallu adapter le programme d'enseignement aux styles d'apprentissage des enfants, qui se prêtaient davantage à des leçons interactives comme la préparation de nourriture ou des essais de dégustation. En outre, les cours devaient tenir compte des ressources d'apprentissage limitées, d'une vaste gamme de niveaux d'alphabétisation des élèves, d'élèves ayant des besoins particuliers et d'une fréquentation de l'école variable liée à l'absentéisme et à des défis au niveau de la communauté (par exemple des inondations et la grippe H1N1). Bien que les constatations propres à une communauté puissent influer sur de nouveaux projets et de nouveaux programmes, la nature individuelle de chaque communauté des Premières Nations, même celles qui sont très voisines, signifie qu'il faut établir des relations distinctes avec chaque communauté, et que les interventions et les méthodes doivent être adaptées à chaque communauté.
La recherche et l'application des connaissances sont facilitées par la participation active des partenaires dans la recherche et des membres de la communauté. Dans ce cas, la recherche a bénéficié des relations étroites établies de longue date entre l'équipe de recherche et les communautés des Premières Nations. Néanmoins, cet aspect de la recherche a lui aussi posé des problèmes, en raison du coût élevé des transports jusqu'aux communautés éloignées et des frais occasionnés par les longues visites. L'équipe de recherche a utilisé de nombreuses stratégies d'application des connaissances, des rapports sur papier et électroniques envoyés aux conseils de bande des Premières Nations, aux unités de santé et aux écoles, des bulletins communautaires, des reportages à la radio et des articles de journaux. Les stratégies de diffusion qui ont obtenu la meilleure pénétration et la plus grande visibilité ont été des rencontres en personne et des banquets communautaires santé. À l'un de ces banquets, préparé par l'équipe de recherche et par des élèves locaux, plus de 12 p. 100 de la communauté est venue participer volontiers à de courts sondages organisés pour déterminer ce que les parents pensaient du programme de nutrition dans les écoles (ainsi qu'à un tirage d'aliments santé qui n'étaient pas toujours accessibles localement).
L'expérience a appris aux chercheurs que la clé du succès d'interventions en nutrition dans les écoles des Premières Nations est un financement soutenu et suffisant, un soutien conséquent par des bénévoles ou par un personnel rémunéré (de préférence un champion local du programme), des installations adéquates pour préparer, conserver et distribuer la nourriture et un accès régulier à de la nourriture santé. Malgré tous ces défis et ces obstacles, les élèves, les enseignants et les parents ont apprécié les programmes de nutrition dans les écoles. Ces programmes ont un grand potentiel d'amélioration du régime et de la santé des enfants des Premières Nations. Ils continuent de chercher des approches en vue d'évaluer et d'améliorer cette situation d'insécurité alimentaire. La démarche comprend également une intervention basée dans les écoles, de même que le soutien d'un accès durable à des aliments santé et traditionnels. Les auteurs espèrent que ces constatations de la recherche contribueront à répondre aux besoins locaux et à encourager la prise de mesures systémiques pour remédier aux inégalités.
Remerciements
L'équipe reconnaît avec gratitude la contribution des élèves des Premières Nations de Fort Albany, Kashechewan et Attawapiskat ainsi que le soutien de George Combden, Bob Salvisburg, Joan Metatawabin, Ruby Edwards Wheesk et Stella Wesley. Le financement a été assuré par les Instituts de recherche en santé du Canada, Rx & D, l'Institut Danone du Canada, la Fondation canadienne de la recherche en diététique et la Fondation des maladies du coeur de l'Ontario.
Références
Skinner, K., Hanning, R.M. et Tsuji, L.J.S. (2006). Barriers and supports for healthy eating and physical activity for First Nation youths in northern Canada. International Journal of Circumpolar Health 65(2) 148-161.
Hanning, R.M., Royall, D., Toews, J., Blashill, L., Wegener, J. et Driezen, P. (2009). Web-based food behaviour questionnaire: Validation with grades six to eight students. Canadian Journal of Dietetic Practice and Research 70(4) 172-178.
De Bourdeaudhuij, I., Klepp, K.-I., Due, P., Perez Rodrigo, C., de Almeida, M.D.V. Wind, M. et al. (2005). Reliability and validity of a questionnaire to measure personal, social and environmental correlates of fruit and vegetable intake in 10-11-year-old children in five European countries. Public Health Nutrition 8(2) 189-200.
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