COVID-19

Transformer l’échec en réussite : un médicament destiné à traiter la maladie à virus Ebola pourrait combattre la COVID-19

Dr Matthias Götte

En mai 2016, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié un plan d’action pour la prévention des épidémies (en anglais seulement) [ PDF (12.5 Mo) - lien externe ], qui compte une liste d’agents pathogènes prioritaires présentant le risque de pandémie le plus élevé. Pour le Dr Matthias Götte, virologue à l’Université de l’Alberta (en anglais seulement), il s’agissait là d’un appel à l’action.

Le Dr Götte s’était d’abord intéressé au VIH et à l’hépatite C, avant de redéfinir son approche en laboratoire en 2017 pour se concentrer uniquement sur les agents pathogènes listés par l’OMS. Plus précisément, son équipe étudie les polymérases (enzymes) qu’utilisent les virus pour se répliquer. Ce type de recherche est essentiel à la mise au point de médicaments antiviraux, puisque les connaissances sur les polymérases pourraient mettre au jour des moyens d’altérer la capacité d’un virus à se répliquer, et que la possible mise en échec de la réplication signifie également celle de l’infection.

Plusieurs antiviraux ont été mis au point au cours des dernières années, dont certains qui ciblent les polymérases comme élément clé pour inhiber la réplication virale. L’un d’entre eux, le remdésivir, a d’abord été testé contre le virus Ebola en 2014. Si les essais cliniques n’ont pas été concluants à cet effet, le remdésivir a depuis montré des résultats prometteurs contre les coronavirus, qui appartiennent pourtant à une tout autre famille de virus que celle du virus Ebola.

Malgré l’enthousiasme légitime de la communauté scientifique pour un possible atout clinique à conserver précieusement dans l’éventualité d’une éclosion de coronavirus – les virus responsables de la crise du SRAS en 2003 et du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (SRMO) faisaient tous deux partie de la liste noire de l’OMS, après tout –, aucune étude n’a été publiée sur la façon dont le remdésivir s’attaque aux coronavirus. Le mystère a intrigué le Dr Götte, qui considère comme essentielle l’étude des « mécanismes d’action » d’un médicament afin de savoir quand l’utiliser.

L’été dernier, bien avant l’arrivée de la pandémie de COVID-19, le Dr Götte et son équipe ont choisi d’étudier la polymérase du SRMO, puis d’examiner attentivement les effets du remdésivir sur celle-ci. En février 2020, l’équipe a publié un article phare (en anglais seulement) concluant que le médicament imite un élément essentiel normalement utilisé par la polymérase pour créer des copies du virus. La ruse repose essentiellement sur un faux-semblant : pour la polymérase, le médicament se rapproche à un point tel de l’élément recherché qu’elle incorpore le remdésivir à la nouvelle chaîne virale. Or, puisque celui-ci n’agit pas comme l’élément requis, la chaîne devient rapidement inutilisable, et la réplication virale, impossible. C’est le résultat qu’espéraient les créateurs du médicament avec le virus Ebola; pourtant, malgré les ressemblances entre le mécanisme d’action pour le SRMO et celui prévu pour le virus Ebola, le remdésivir s’est avéré bien plus efficace contre le SRMO.

Le Dr Götte et son équipe n’ont pas tardé à s’intéresser au SRAS-CoV-2, virus responsable de la COVID-19 et membre de la même famille de virus que le SRMO. À la mi-avril, ils ont publié un autre article (en anglais seulement), qui montre que, comme ce fut le cas lors de leur étude sur le SRMO, le remdésivir bloque assez bien la réplication virale. L’attention qu’a reçue l’article, de même que le foisonnement d’autres données précliniques, en a mené plusieurs à se demander si ce médicament pouvait être le traitement tant attendu pour combattre la COVID-19. Le fait est qu’il faudra d’abord sortir le médicament du laboratoire pour le tester sur des humains dans le cadre d’essais cliniques.

« Il faut être patients », tempère le Dr Götte, qui se dit optimiste quant aux résultats préliminaires tout en rappelant l’importance de prendre des décisions médicales fondées sur des données scientifiques fiables. « À l’heure actuelle, les données justifient qu’on procède à des essais cliniques. Mais on ne saura s’il s’agit d’un traitement efficace qu’une fois les essais terminés. »

En attendant, le Dr Götte se réjouit que la recherche de traitements potentiels se soit déjà diversifiée pour inclure différentes approches et cibles médicamenteuses. « Comme il s’agit d’un nouvel agent pathogène, il est primordial d’envisager plusieurs options et d’obtenir un maximum de données avant de poursuivre avec des essais cliniques sur les traitements prometteurs, explique-t-il. Cette polymérase constitue une cible logique, mais il pourrait y en avoir bien d’autres. Nous ne pouvons pas nous permettre de mettre tous nos œufs dans le même panier. »

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