COVID-19
Projet Cedar : Soutien aux jeunes autochtones qui consomment des drogues durant une pandémie
Depuis 17 ans, le projet Cedar soutient des jeunes autochtones britanno-colombiens qui consomment des drogues.
Ce projet de recherche axé sur la communauté et régi par des Autochtones est difficile à résumer en une phrase : la plupart des descriptions semblent trop restrictives, un peu comme si le fait de se contenter de la portée universitaire du projet revenait à affadir volontairement une image aux couleurs vibrantes.
« Le projet Cedar est plusieurs choses en même temps », explique le Kukpi7 (chef) Wayne Christian, chef de Splatsin, chef tribal du conseil tribal de la Nation Shuswap et cochercheur principal de l'étude. « Il a été judicieusement nommé; c'est une bonne analogie parce que le cèdre représente beaucoup de choses pour nous. C'est une ressource qui a plusieurs usages, mais c'est aussi une plante médicinale, une plante spirituelle. Je crois que le projet Cedar est une réussite parce qu'en tant que modèle, il cherche à atteindre les mêmes objectifs. »
Basé à Vancouver et à Prince George, sur les territoires traditionnels des Salish de la côte et des Lheidli T'enneh, le projet Cedar, du point de vue technique, est une étude de cohorte comptant 800 participants et examinant la façon dont les traumatismes historiques et les traumatismes subis au cours de la vie influencent la santé. Par exemple, des travaux menés dans le cadre du projet se sont penchés sur la vulnérabilité accrue au VIH et au virus de l'hépatite C (VHC) de certains Autochtones (de 14 à 30 ans) qui consomment des drogues, et des liens directs ont été constatés entre le fait d'avoir un parent ayant fréquenté un pensionnat et le risque d'infection par le VIH ou le VHC, les agressions sexuelles et le suicide.
« La recherche vient appuyer ce que nous [les communautés autochtones] savions déjà, fait remarquer le Kukpi7 Christian. Ce sont les effets multigénérationnels des traumatismes historiques, des pensionnats et de l'abus sexuel qui ont poussé ces jeunes à développer des dépendances et à vivre dans la rue. Ça ne sort pas de nulle part. Nous nous tournons donc vers la recherche — vers les données et les preuves qu'elle génère — pour aider nos jeunes et créer une nouvelle voie à suivre. »
Toute l'approche de recherche est régie par un groupe indépendant appelé Partenariat du projet Cedar, formé d'aînés, de dirigeants, d'experts en santé et en services sociaux ainsi que de chercheurs‑boursiers autochtones. Le Kukpi7 Christian insiste sur l'importance de ce modèle de gouvernance, le Partenariat étant ancré dans les principes PCAP des Premières Nations et l'Énoncé de politique des trois conseils — Chapitre 9 : Recherche impliquant les Premières Nations, les Inuits ou les Métis du Canada. Le Partenariat guide la recherche par une prise de décisions concrètes et participe à toutes les étapes du processus, de l'interprétation des données au choix de la meilleure manière de diffuser les résultats de façon éthique, puisqu'il s'agit « d'enjeux bien réels touchant actuellement nos communautés ».
« Pour nous, les participants ne sont pas que des numéros, ajoute le Kukpi7 Christian. Ce sont nos frères, nos sœurs, nos oncles, nos tantes, nos fils et nos filles. Ils font partie de nos familles. Le projet Cedar a pour but de veiller à ce que leurs voix soient entendues et à ce que leur histoire soit racontée, sans aucune forme d'humiliation. »
Le traitement des participants comme des membres de la famille — et l'obtention de leur confiance — a été rendu possible par la création d'un environnement sûr et accueillant dans les locaux du projet Cedar à Prince George et dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver. Dans ces locaux, les participants « peuvent obtenir du soutien sans qu'on leur pose de questions, et ils sont traités comme des humains », mentionne le Kukpi7 Christian; il va sans dire que l'arrivée de la COVID-19 a été particulièrement préoccupante.
« La dernière chose que nous voulions, c'était de tourner le dos à la communauté », explique la Dre Patricia Spittal, cochercheuse principale du projet Cedar et professeure à l'École de santé publique et de santé des populations de l'Université de la Colombie-Britannique. « Tout s'est passé tellement vite dans les centres urbains [en ce qui a trait aux restrictions de santé publique]; nous savions que nous devions trouver des façons d'adopter rapidement des protocoles de sécurité tout en gardant nos portes ouvertes. »
Cette décision découlait en partie du fait que les personnes qui consomment des drogues affrontent actuellement deux urgences de santé publique : la crise des surdoses et la pandémie de COVID-19.
« Les messages des autorités de santé publique visant à prévenir les surdoses sont aux antipodes de ceux visant à contrer la pandémie, ajoute-t-elle. Ces messages sont adéquats dans leurs contextes respectifs, mais ces contextes entrent en conflit, et le problème c'est qu'on ne peut pas mettre une crise en veilleuse pendant qu'on règle l'autre. Nous devons aider les gens à traverser les deux en même temps. »
Dans les études qu'elle a précédemment menées dans le cadre du projet Cedar, l'équipe a constaté que l'utilisation du téléphone cellulaire permettait d'offrir efficacement du soutien aux participants, en ce qui concerne tant le maintien des liens sociaux que l'établissement de liens entre les participants et les services de santé. Profitant d'un nouveau financement provincial et fédéral, elle s'appuie maintenant sur ces anciens travaux pour adapter et tester l'efficacité d'un ensemble de services de soutien virtuel destinés aux personnes susceptibles de contracter la COVID-19. Ces services globaux axés sur les forces reposeront sur l'utilisation du logiciel existant ainsi que sur des suivis hebdomadaires par messagerie texte avec des gestionnaires de cas dignes de confiance, de façon à ce que « Cedar [puisse permettre] la création de liens en cette période d'isolement », dit le Kukpi7 Christian.
L'étude évaluera également les répercussions de la COVID-19, y compris la réponse à la pandémie et son effet domino, chez les Autochtones qui consomment des drogues. Les partenariats du projet Cedar et du Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique permettront également d'influencer les politiques publiques, puisque les résultats de recherche donneront une idée des domaines où les besoins sont critiques. Les données recueillies par l'équipe serviront à combler les lacunes dans la littérature universitaire quant aux meilleures façons de soutenir les Autochtones lors d'événements semblables.
Mais les données ne représentent qu'un morceau du casse-tête.
« C'est plus que de la recherche, conclut le Kukpi7 Christian. C'est une guérison. »
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