La sensibilisation ne suffit pas : la RAM sous le regard d’une anthropologue

Dre Ève Dubé

Qu’est-ce qui pousse une personne à suivre ou non l’avis d’un médecin? La Dre Ève Dubé, professeure invitée au Département d’anthropologie de l’Université Laval, s’est toujours intéressée à l’attitude contradictoire des gens à l’égard des conseils médicaux. Elle a constaté que le comportement de la population dans le contexte de deux crises sanitaires, la COVID 19 et la résistance aux antimicrobiens (RAM), est révélateur de la complexité de ces choix. Les décisions quant aux antibiotiques et à la vaccination font appel non seulement à des informations médicales fondées sur des données probantes, mais aussi aux normes sociales, aux valeurs et aux émotions, et reposent sur la relation entre un professionnel de la santé et son patient.

La Dre Dubé travaille actuellement à un projet portant sur la prise de décisions concernant la RAM et les vaccins. « Ce que nous avons remarqué, c’est que la plupart des gens ont une certaine idée de ce qu’est la RAM, mais que cette idée est imparfaite, et qu’il y a des différences de contexte qui déterminent si un patient veut des antibiotiques ou non. Par exemple, un parent dont l’enfant est malade et qui doit aller travailler peut considérer une dose rapide d’antibiotiques comme une solution à un besoin immédiat. Le médecin pourrait voir son stress et prescrire ces antibiotiques; le temps de consultation est limité et il est rapide de prescrire ce qui est demandé. » C’est un peu l’inverse pour les vaccins, poursuit-elle : « Lorsque les gens ne se considèrent pas comme étant à risque, ils pensent qu’ils n’en ont pas besoin. » Financée par les IRSC, la recherche de la Dre Dubé vise à comprendre quelles sont les différentes strates de connaissances, d’attitudes et de croyances qui influent sur ces décisions. « Mais je m’intéresse aussi au système, ajoute-t-elle, c’est-à-dire à la création d’une culture et de normes sociales autour de ces questions, et à l’influence des paroles et du point de vue d’autrui sur le comportement d’une personne. »

Selon la Dre Dubé, beaucoup de gens ne perçoivent pas la RAM comme un problème important au Canada, et pour changer cela, il faut commencer par l’éducation. « Je crois fermement qu’il faut parler de santé et de science aux enfants, affirme-t-elle. Nous devons travailler auprès de monsieur et madame Tout-le-Monde, des patients, des professionnels de la santé et des organisations, de même que sur les plans social, culturel et communautaire. Pour être efficaces, les interventions doivent toucher à tous ces éléments. Et c’est possible. »

La Dre Dubé croit au pouvoir de la collaboration : « Je pense qu’il serait formidable d’accroître la collaboration interdisciplinaire, de voir des spécialistes des sciences sociales aux côtés d’autres scientifiques. Il faut que les chercheurs des quatre thèmes (Considérations éthiques en recherche en santé - IRSC (cihr-irsc.gc.ca)) réfléchissent et travaillent ensemble pour trouver les meilleures solutions. »

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