Repenser la masculinité : mettre les hommes en contact avec des ressources efficaces en santé mentale
Avertissement : Certains lecteurs pourraient être troublés par certains sujets abordés dans le présent article, notamment le suicide, la dépression et la maladie mentale. Si vous ou quelqu'un que vous connaissez traversez une crise ou songez au suicide, appelez le Service canadien de prévention du suicide au 1-833-456-4566 ou consultez les ressources suivantes.
On l'a surnommée « l'épidémie silencieuse ».
Les hommes souffrant de dépression ont deux fois moins de chances de recevoir un diagnostic que les femmes, bien qu'ils courent un risque de trois à quatre fois plus grand de se suicider. Dans le monde, les hommes comptent pour 69 % de tous les suicides; au Canada, ce taux atteint près de 80 %. Et beaucoup d'hommes ne bénéficient pas de l'aide et des traitements dont ils ont besoin.
« La dépression et l'anxiété font l'objet de beaucoup de stigmatisation, ce qui peut dissuader les hommes de parler de leurs problèmes et de demander de l'aide », explique le Dr John Oliffe, fondateur et chercheur principal du programme de recherche sur la santé des hommes (en anglais seulement) de l'Université de la Colombie-Britannique.
Le Dr Oliffe souhaite changer les choses. En collaboration avec des chercheurs, des cliniciens et des groupes communautaires du Canada et de l'étranger, lui et son équipe examinent l'incidence de la masculinité sur la santé des hommes. Leur objectif est de mettre au point des outils Web et des ressources pratiques pour aider les hommes à accéder aux soins de santé mentale dont ils ont besoin.
Comprendre le lien entre le genre et la santé
La première étape, selon le Dr Oliffe, est de mieux comprendre les facteurs qui découragent les hommes de chercher des soins et du soutien en santé mentale en premier lieu. Un élément qui revient souvent dans ses recherches est l'influence des normes masculines (c'est-à-dire les idéaux et les construits sociaux liés au fait « d'être un homme ») dans les décisions liées à la santé.
« Les hommes préfèrent souvent être – ou sentent qu'ils doivent être – autonomes. Or, il s'agit d'une épée à double tranchant », prévient le chercheur.
D'un côté, cette autonomie peut aider les hommes à être plus résilients et les encourager à gérer leurs problèmes de santé de manière proactive, par exemple en faisant des recherches en ligne ou en développant des stratégies d'autogestion. À l'inverse, le sentiment de devoir être autonome peut potentiellement mener à de l'isolement et à des situations dangereuses pour les hommes. Les stratégies d'autogestion pourraient devenir malsaines, et les hommes pourraient être amenés à refouler leurs émotions et à se tourner vers la consommation d'alcool ou de drogues pour composer avec leurs problèmes. D'autres pourraient ne pas vouloir admettre qu'ils ont besoin d'aide professionnelle avant d'être en crise.
« Bien qu'il existe un lien indissociable entre le genre et la santé, il y a aussi plus d'une manière « d'être un homme », souligne le Dr Oliffe. « La “masculinité” n'a pas une seule définition : c'est un concept pluriel qui sous-entend que les hommes expriment leur masculinité de diverses manières. Il est important de garder cela en tête lorsqu'on étudie l'incidence de la masculinité sur la santé des hommes et de s'assurer qu'on tient compte de leurs besoins, de leurs expériences et de leurs défis particuliers. »
Le lien entre le genre et la santé a aussi des répercussions pour les services de santé, puisqu'il peut influencer la manière dont certains problèmes sont détectés et réglés. Les signes cardinaux de dépression chez les hommes comprennent notamment la colère, l'irritabilité, les comportements dangereux et la consommation de substances psychoactives, mais ces symptômes ne figurent pas sur les tests de dépistage génériques utilisés dans les cliniques et les hôpitaux pour évaluer et diagnostiquer la dépression.
« Les hommes admettront rarement qu'ils sont déprimés. Ils diront plutôt qu'ils sont stressés ou qu'ils sont constamment irritables et frustrés. Sur le plan clinique, il faut apprendre à reconnaître lorsque ces émotions témoignent d'un mal plus important », indique le Dr Oliffe.
Passer de la théorie à la pratique
Pour prendre en compte la complexité de cette question, une partie importante du travail réalisé par le Dr Oliffe et le programme de recherche sur la santé des hommes de l'Université de la Colombie-Britannique (en anglais seulement) porte sur la nécessité de fournir des ressources pratiques aux hommes, à leur famille et aux cliniciens.
Et il y a un besoin manifeste pour ce type d'outils accessibles. Par exemple, le site Web de HeadsUpGuys (en anglais seulement), une ressource spécialisée destinée aux hommes souffrant de dépression, voit près de 65 000 visiteurs chaque mois. Créée et dirigée par le Dr John Ogrodniczuk, cochercheur au programme de recherche sur la santé des hommes de l'Université de la Colombie-Britannique et collaborateur du Dr John Oliffe, cette ressource constitue un exemple parfait de mobilisation des connaissances ayant une incidence réelle. La recherche contribue à façonner les ressources et les initiatives communautaires pour qu'elles répondent effectivement aux besoins des hommes – que ces besoins soient en matière d'aide professionnelle, de saines stratégies d'autogestion ou de soutien social.
La prochaine étape de la recherche du Dr Oliffe portera sur le perfectionnement des ressources offertes par l'équipe pour aider les hommes à nouer des relations plus saines.
« Lorsqu'il est question de ruptures amoureuses, les hommes qui divorcent ont huit fois plus de risques que les femmes de se suicider. En toute honnêteté, les ruptures amoureuses ont été négligées par la recherche sur la santé des hommes : nous travaillons donc directement avec des hommes qui vivent ces expériences pour comprendre ce qui pourrait les aider à gérer leur stress émotionnel et leur anxiété de manière positive et saine », souligne le chercheur en citant les difficultés financières, le stress émotionnel intense et l'isolement social.
Cette approche participative et axée sur la collaboration est un élément central de la recherche du Dr Oliffe. Travaillant directement avec des hommes et leur famille, le Dr Oliffe et son équipe leur insufflent la confiance nécessaire pour qu'ils osent parler de leurs problèmes de santé mentale, se confient à d'autres et trouvent l'aide dont ils ont besoin.
« Notre travail n'est qu'un élément d'une initiative plus vaste visant à aider les hommes à obtenir l'aide dont ils ont besoin. Nous savons que lorsque les hommes possèdent de solides réseaux de soutien social et font preuve d'une attitude positive, c'est tout le monde qui en bénéficie : c'est que nous souhaitons ultimement accomplir », conclut le Dr Oliffe.
Consultez les ressources offertes sur le site Web du programme de recherche sur la santé des hommes de l'Université de la Colombie-Britannique (en anglais seulement) pour trouver des groupes d'aide, du matériel éducatif, des programmes de bien-être et plus encore.
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