Braver la tempête : les changements climatiques, un enjeu de santé
Les discussions sur les changements climatiques ont tendance à se concentrer sur les phénomènes météorologiques violents et les répercussions physiques sur l'environnement, la faune, l'économie mondiale et les infrastructures. Certes, il est tout à fait légitime de s'inquiéter de ces facettes des changements climatiques et de les prendre en compte dans l'élaboration de stratégies mondiales d'atténuation. Toutefois, jusqu'à récemment, une dimension du problème était systématiquement absente des discussions : les répercussions des changements climatiques sur notre santé.
« Les changements climatiques ont des répercussions sur de nombreuses facettes de notre santé, que ce soit l'air que nous respirons, l'eau que nous buvons ou la nourriture que nous mangeons. N'ayons pas peur des mots : ils affectent tout ce que nous faisons », met en garde la Dre Sherilee Harper, professeure agrégée et chercheuse spécialisée en changements climatiques à l'Université de l'Alberta.
Malheureusement, les répercussions sur la santé documentées des changements climatiques sont déjà nombreuses. Des recherches ont montré qu'une augmentation des concentrations de polluants atmosphériques peut mener à des problèmes de santé cardiovasculaire et respiratoire. Les sécheresses prolongées peuvent limiter l'accès à l'eau potable et en diminuer la qualité. Les températures extrêmes peuvent nuire aux activités agricoles et aux cultures, entraînant une insécurité alimentaire. Et bien sûr, les répercussions les mieux connues des changements climatiques sur la santé sont sans doute les maladies, les blessures et même les décès causés par des phénomènes météorologiques violents comme les vagues de chaleur, les feux de forêt, les ouragans et les inondations.
La Dre Harper est titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les changements climatiques et la santé et chercheuse principale du groupe Climate Change and Global Health Research Group (en anglais seulement). Son équipe explore l'interrelation entre climat et santé dans différents pays et cherche à trouver des solutions pour atténuer ces répercussions.
« Nous devons nous efforcer de mieux comprendre les répercussions du climat sur la santé, mais aussi de déterminer comment elles affectent différentes communautés, ce que vivent ces dernières et – le plus important – ce que nous pouvons faire », explique la chercheuse.
Comprendre le rôle des facteurs sociaux sur la santé
Dans le cadre de ses nombreux projets de recherche menée par la communauté, elle travaille en partenariat étroit avec des peuples autochtones de l'Arctique (Canada), de la forêt impénétrable (Ouganda) et de l'Amazonie (Pérou) pour trouver les solutions.
Une conclusion évidente transparaît déjà dans ces recherches : si les effets des changements climatiques sont universels, leurs répercussions touchent toutefois plus souvent et plus durement certaines populations. « Nous savons qu'il y a des lacunes dans notre système de soins de santé et dans nos systèmes de services sociaux, ce qui signifie que différents groupes seront plus ou moins susceptibles de subir les contrecoups des changements climatiques ou d'en ressentir concrètement les effets. »
Les travaux de la Dre Harper montrent que c'est l'interaction de plusieurs facteurs qui détermine dans quelle mesure une personne – et sa santé – sera affectée par les changements climatiques, et dans quelle mesure sa réponse à la situation penchera du côté de la vulnérabilité ou de la résilience. Par exemple, l'endroit où vit une personne et les circonstances de son exposition à un évènement climatique donné influenceront grandement son expérience des changements climatiques.
« L'Arctique canadien est actuellement l'un des endroits qui se réchauffent le plus rapidement dans le monde. Par conséquent, les personnes vivant dans le nord du Canada sont beaucoup plus susceptibles d'être confrontées à des enjeux de santé liés au climat que celles vivant dans le sud du pays. Par exemple, la hausse des températures et la fonte du pergélisol et de la glace de mer ont pour conséquences l'apparition de maladies hydriques, une hausse de l'insécurité alimentaire et la disparition graduelle des pistes de transport qui facilitent l'accès à l'eau et à la nourriture », dit la Dre Harper.
Cela dit, l'expérience des répercussions des changements climatiques n'est pas qu'une question de géographie. La Dre Harper mentionne aussi que les ménages à faible revenu ont souvent moins accès à des ressources qui les aideraient à s'adapter aux effets de ces changements (climatisation à domicile durant une vague de chaleur ou capacité à absorber les hausses du coût des aliments nutritifs dues aux sécheresses), ce qui accroît leur vulnérabilité aux répercussions climatiques.
« Cela nous montre que la portée de la climatologie doit dépasser la simple étude de l'environnement et des changements dans la situation météorologique. Elle doit aussi étudier les répercussions concrètes de ces changements sur notre société – nos communautés, notre économie, nos infrastructures et, bien sûr, notre santé – et les façons de préparer des adaptations à ces répercussions pour garantir à tous les meilleures issues possible », fait-elle remarquer.
Préparer un avenir plus sain
Malgré le nombre croissant de travaux de recherche montrant les conséquences des changements climatiques sur notre santé, la Dre Harper croit qu'il y a encore de l'espoir.
« Pour moi, il est encourageant de voir qu'année après année, on observe une augmentation de l'intérêt pour les changements climatiques et leurs répercussions sur la santé, et des conversations sur le sujet. Les changements climatiques sont un enjeu de santé, et je crois que la population, au Canada et ailleurs dans le monde, commence à vraiment comprendre leur importance et à demander une action concrète pour y remédier », affirme-t-elle.
En tant que représentante du Canada au sein du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) de l'Organisation des Nations Unies, un groupe consultatif qui évalue les données scientifiques sur les répercussions des changements climatiques dans de multiples secteurs (y compris la santé), la Dre Harper contribue à concevoir des recommandations sur des mesures d'intervention. Elle est actuellement première auteure de plusieurs rapports de recherche du GIEC, qui sont rédigés en collaboration par un groupe interdisciplinaire de chercheurs internationaux et qui sont utilisés par les gouvernements pour mettre en place des solutions de lutte contre les changements climatiques fondées sur des données probantes. Ces rapports ont d'ailleurs servi à étayer des négociations internationales majeures sur les changements climatiques, dont la 26e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, qui a eu lieu à Glasgow, en Écosse, à l'automne 2021.
« La lutte contre les changements climatiques nécessitera un effort collectif mondial dont les politiques et les décisions reposent sur des bases scientifiques. Je trouve particulièrement gratifiant de savoir que nos recherches aident à éclairer ces politiques internationales et, par conséquent, qu'elles ont une influence directe sur la santé et le bien-être de la population, au Canada et partout dans le monde », conclut la Dre Harper.
- Date de modification :