Compte rendu : Subvention de fonctionnement : Évaluation des approches de réduction des méfaits face à la crise des opioïdes dans le contexte de la COVID-19 – Évaluation des sites de consommation supervisée
Atelier virtuel de fin de subvention

Liens connexes

Infographie : Sites de consommation supervisée — points saillants d'un atelier de fin de subvention

Date de l’atelier : 28 octobre 2022
Emplacement : Rencontre virtuelle par MS Teams

Table des matières


Introduction

Le 28 octobre 2022, les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) ont tenu un atelier virtuel d’échange de connaissances au terme de quatre projets d’évaluation de sites de consommation supervisée, financés pendant un an dans le cadre du concours Subvention de fonctionnement : Évaluation des approches de réduction des méfaits face à la crise des opioïdes dans le contexte de la COVID-19. Le présent rapport comprend une synthèse des données probantes présentées par les quatre équipes de recherche, ainsi qu’un résumé des points de vue des utilisateurs des connaissances et du public exprimés lors d’un panel et d’une discussion ouverte.

Cette possibilité de financement a également permis de soutenir un cinquième projet pluriannuel visant à évaluer la mise en œuvre et l’incidence à court terme des projets pilotes pour un approvisionnement plus sécuritaire menés dans le cadre du Programme sur l’usage et les dépendances aux substances de Santé Canada. Ce cinquième projet n’a pas été inclus dans l’atelier.

Avertissement

L’information qui suit vise à résumer les propos entendus lors de l’atelier. Les IRSC ont fait tout en leur pouvoir pour soumettre ce texte à l’examen des participants; toute erreur ou omission est non intentionnelle. Le présent rapport ne doit pas être considéré comme un compte rendu définitif des résultats provisoires des recherches. Pour obtenir l’information la plus récente sur les projets, les lecteurs sont priés de faire un suivi directement auprès des titulaires de subvention.

Le cahier d’information de l’atelier est accessible sur demande. Les demandes peuvent être envoyées au Centre de contact des IRSC, à support-soutien@cihr-irsc.gc.ca.

Objectifs et ordre du jour de l’atelier

Objectifs principaux

Heure (HE) Point Présentateurs et présentatrices
12 h

Accueil

Mot d’ouverture de l’Aînée

Président : Samuel Weiss, INSMT des IRSC

Sénatrice Parm Burgie, Conseil métis de la région d’Ottawa, Nation métisse de l’Ontario

12 h 15 Aperçu de la journée Samuel Weiss
12 h 20 Remarques préliminaires L’honorable Carolyn Bennett, ministre de la Santé mentale et des Dépendances et ministre associée de la Santé
12 h 30 Résultats des projets Modérateur : Graeme Simpson
12 h 30 Évaluation rapide des répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les services de consommation supervisée au Canada

Patrick McDougall
Savannah Swann

(Chercheuse principale désignée [CPD] : Elaine Hyshka)

12 h 45 Examen de l’accès aux services de consommation supervisée et de leurs retombées en Colombie-Britannique avant et durant la pandémie de COVID-19 CPD : Thomas Kerr
Mary Clare Kennedy
13 h Consommation supervisée et COVID-19 en Ontario : évaluation (SCCONE) CPD : Ahmed Bayoumi
13 h 15 Évaluation des services de consommation supervisée à Montréal dans le contexte de la COVID-19 CPD : Sarah Larney
Camille Zolopa
13 h 30 Pause-santé
13 h 40

Réflexions des panélistes et discussion

Nicholas Boyce, Cheyenne Johnson, Matt Johnson, Jammy Lo, Jean-François Mary, Patrick McDougall

Modératrice : Leigh Chapman
14 h 40 Conclusion Président : Samuel Weiss
14 h 50 Mot de clôture de l’Aînée Sénatrice Parm Burgie

Message du directeur scientifique

Pendant plus de deux ans, la pandémie de COVID-19 a exacerbé la crise des opioïdes qui frappe le Canada. D’est en ouest, les mesures de santé publique adoptées pour limiter la propagation de la COVID-19, comme la distanciation physique, ont entravé l’action des services de réduction des méfaits, y compris au sein des sites de consommation supervisée (SCS), ce qui a notamment entraîné la fermeture de certaines installations et une réduction du personnel. La nécessité de recueillir des données permettant de mesurer l’incidence de la pandémie sur les services offerts dans les SCS représente à ce titre un véritable enjeu, ce qui a convaincu l’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies (INSMT) des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) de créer à l’automne 2020 la possibilité de financement Évaluation des approches de réduction des méfaits face à la crise des opioïdes dans le contexte de la COVID-19.

Une analyse de la situation à l’échelle locale et à l’échelle nationale s’est avérée indispensable : d’une part pour lever le voile sur les bénéfices que les SCS procurent aux personnes consommant des opioïdes et aux communautés locales, et d’autre part pour mettre en évidence l’incidence de la pandémie sur cette approche de réduction des méfaits et les quelque 40 SCS que compte le pays, qui font chacun face à un contexte socioéconomique qui leur est propre et qui ont dû se conformer à des directives de santé publique fluctuantes d’une province à l’autre en réponse à la COVID-19. Pour mener à bien cette initiative de l’INSMT, des fonds ont été accordés à des équipes situées dans les quatre pôles régionaux de l’Initiative canadienne de recherche sur l’abus de substances (ICRAS) (en anglais seulement). Les quatre équipes financées ont ainsi mené des travaux essentiels et potentiellement vitaux sur l’incidence des SCS sur la santé des personnes qui ont recours à leurs services et plus généralement sur la population locale avant, pendant et après la pandémie.

Dans le cadre de ces projets, plusieurs aspects d’une crise à deux visages ont été étudiés : la fréquence et les tendances observées dans l’usage d’opioïdes, les freins à l’accès aux services de SCS, la souplesse des modalités d’accès à ces services, l’efficacité de soins holistiques et intégrés, la promotion des SCS et le soutien financier apporté aux SCS. Au moyen d’entrevues en tête-à-tête, de groupes de discussion et de questionnaires, plusieurs centaines de personnes utilisatrices des connaissances ont été consultées (dont des membres du personnel des SCS et des personnes qui consomment des drogues).

À l’occasion de cet atelier de fin de subvention, les équipes de recherche ont présenté les résultats de leurs travaux en s’appuyant sur les commentaires et l’expertise de personnes utilisatrices des connaissances, ce qui a permis de dresser un panorama complet du sujet et de mettre en perspective les retombées potentielles des recherches. Les informations communiquées au cours de l’atelier éclaireront les décisions afin que des services sûrs puissent être offerts sans interruption dans les SCS, quel que soit le contexte sanitaire.

Les observations formulées pendant l’atelier revêtiront une importance toute particulière pour les personnes directement ou indirectement touchées par la crise de surdoses d’opioïdes à l’échelle nationale, et je suis redevable à tous ceux et celles qui ont contribué à ces recherches et qui nous ont fait part de leurs travaux, de leurs points de vue et de leurs idées lors de cette importante activité virtuelle.

Samuel Weiss, Ph. D., MSRC, MACSS
Directeur scientifique, Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies des IRSC

Résultats des projets

Cette séance portait sur les résultats des quatre projets d’évaluation des SCS et sur leurs implications pour les utilisateurs des connaissances, telles qu’elles ont été présentées par chaque équipe. Une brève période de questions et réponses suivait chaque présentation si le temps le permettait, et les membres du public étaient invités à intervenir au moyen de la fonction de clavardage dans MS Teams. Les présentations et les échanges pour chaque projet sont résumés ci-dessous.

Prairies : Évaluation rapide des répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les services de consommation supervisée au Canada

Présentateurs : Patrick McDougall, Fondation du Dr Peter pour le sida, et Savannah Swann, Fondation du Dr Peter pour le sida

Chercheuse principale désignée : Elaine Hyshka, Université de l’Alberta

Ce projet, toujours en cours, vise à caractériser les tendances d’utilisation des SCS avant et après le début de la pandémie de COVID-19, à analyser l’impact de cette dernière sur les SCS selon les modèles de services et les régions, à recueillir le point de vue du personnel sur la manière dont la pandémie influe sur les soins dispensés aux personnes qui consomment des drogues et à exposer les solutions trouvées par le personnel des SCS pour en garantir l’accès.

Les chercheurs se sont associés à la Fondation du Dr Peter pour le sida, laquelle regroupe une communauté de praticiens d’une cinquantaine d’organismes qui gèrent des SCS et des sites de prévention des surdoses au Canada. Les chercheurs ont également convoqué un groupe consultatif plus restreint d’acteurs du milieu (c.-à-d. des gestionnaires et du personnel des SCS, ainsi que des personnes ayant directement ou indirectement fait l’expérience des services de consommation supervisée) pour recueillir des commentaires détaillés sur les protocoles de recherche, les instruments de collecte de données et le recrutement au sein des SCS. Les connaissances présentées lors de l’atelier étaient basées sur des données provenant de sites exemptés par Santé Canada.

Les données administratives préliminaires recueillies auprès de 17 SCS révèlent un changement rapide et radical dans l’utilisation des SCS et dans les résultats obtenus en réponse à la pandémie de COVID-19. Bien que le nombre total de visites aux SCS ait diminué rapidement après la mise en place des mesures de lutte contre la pandémie, un plus grand nombre de clients uniques se sont rendus aux SCS au cours de la première année de la pandémie par rapport à l’année précédente. Les chercheurs soulignent que cela pourrait être dû à l’imprévisibilité du marché de la drogue durant cette période et à la nécessité accrue de faire appel aux services d’un SCS dans un souci de sécurité.

Les enquêtes organisationnelles menées auprès de 22 SCS, bien qu’encore au stade préliminaire, ont révélé que presque tous les sites ont apporté des modifications à leurs opérations ou à leur infrastructure en réponse à la pandémie. Presque tous les établissements ont mis en place des exigences en matière de dépistage et d’équipement de protection individuelle, et nombre d’entre eux ont procédé à des changements opérationnels, notamment : distanciation physique, limites du nombre d’occupants, protocoles d’hygiène, réduction des services et ajout de barrières physiques. En outre, les changements de protocole d’intervention en cas de surdose observés dans le contexte de la pandémie comprenaient : l’obligation pour le personnel de porter de l’équipement de protection individuelle supplémentaire, l’expulsion des gens se trouvant dans un endroit où une personne faisait une surdose, la modification des pratiques de réanimation et le recours accru à la naloxone. L’accès aux toilettes était limité afin d’éviter les surdoses en isolement.

Dans le cadre d’entrevues semi-structurées menées à ce jour auprès de 15 membres du personnel de première ligne de SCS, les participants ont décrit des changements dans la prise en charge des personnes qui consomment des drogues, notamment l’incapacité de répondre à la demande. De nombreux sites fonctionnaient à capacité réduite et les clients ont parfois dû attendre à l’extérieur pendant de longues périodes, y compris par des températures extrêmes. La fermeture d’autres services communautaires a également entraîné une demande accrue de produits de première nécessité (nourriture, vêtements, logement), et le personnel des SCS ne disposait pas de ressources suffisantes pour répondre à de tels besoins. Les participants ont également rapporté des changements dans l’atmosphère des SCS en raison des protocoles de COVID-19. Par exemple, le fait de devoir jouer le rôle de « police des masques » a nui à la capacité du personnel à établir des relations de soutien avec les clients, et le fait de devoir contrôler les déplacements et l’accès aux fournitures stériles qui étaient auparavant librement accessibles a ébranlé le sentiment d’appartenance à la communauté et l’autodétermination des personnes qui consomment des drogues.

Le personnel a néanmoins trouvé et mis en œuvre plusieurs solutions pour garantir une prestation de services et une planification des interventions d’urgence optimales. Ces solutions sont les suivantes : l’inclusion en amont et la consultation fréquente du personnel de première ligne et des personnes qui consomment des drogues lors de l’élaboration et de l’évaluation des programmes; le maintien des congés de maladie payés pour le personnel; un soutien supplémentaire en cas de deuil pour le personnel et les clients; le maintien de l’accès aux services sociaux et de santé communautaire pendant les pandémies ou d’autres états d’urgence

Période de questions et réponses

Examen de l’accès aux services de consommation supervisée et de leurs retombées en Colombie-Britanique avant et durant la pandémie de COVID-19

Présentateurs : Thomas Kerr, Université de la Colombie-Britannique (chercheur principal désigné), et Mary Clare Kennedy, Université de la Colombie-Britannique, campus Okanagan

Ce projet visait à recenser les répercussions de la COVID-19 sur la prestation, l’accessibilité et les résultats des services de consommation supervisée offerts à Vancouver et à Surrey, afin d’encadrer les politiques, les pratiques et l’optimisation des services.

L’équipe a procédé à une collecte de données, qui comprenait la réalisation d’entrevues qualitatives approfondies auprès de 22 clients du SCS à Surrey et de 21 membres du personnel et responsables des SCS à Surrey et à Vancouver. En outre, plus de 400 personnes qui consomment des drogues ont rempli des questionnaires visant à évaluer les changements dans l’accessibilité des sites ou le recours à leurs services depuis juillet 2020.

Sur 428 personnes qui consomment des drogues interrogées entre juillet et novembre 2020, 13,6 % ont déclaré avoir éprouvé des difficultés à accéder à un SCS au cours des six derniers mois. Les raisons les plus fréquemment invoquées sont les suivantes : fermeture du site ou réduction des heures d’ouverture en raison de la COVID-19 (43 %), long temps d’attente (39 %), ambiance oppressante au site (14 %) et peur de contracter la COVID-19 (9 %). Les personnes qui ont déclaré avoir des difficultés à accéder aux sites étaient généralement plus jeunes et présentaient des vulnérabilités structurelles, notamment une consommation quotidienne de méthamphétamine en cristaux, une consommation active de drogues injectables, une surdose récente et un domicile précaire.

Les résultats de l’enquête ont également révélé que 14,7 % des personnes qui consomment des drogues ont déclaré avoir moins souvent recours aux SCS depuis le début de la pandémie de COVID-19. Cette diminution de la fréquence d’utilisation était liée à l’exposition autodéclarée au fentanyl et à la perception que les sites étaient difficiles d’accès.

Les entrevues qualitatives ont révélé plusieurs points importants. Les participants ont relevé une diminution de la qualité et une imprévisibilité accrue du marché de la drogue, justifiant le recours aux SCS. Par exemple, la hausse de la contamination aux benzodiazépines a incité des personnes à recourir aux services d’un SCS par souci de sécurité, par exemple, pour éviter de se retrouver sous sédation et vulnérables dans un environnement non sécurisé. L’augmentation des empoisonnements à la benzodiazépine dans les SCS signifie que les personnes qui en sont victimes peuvent y être surveillées pendant plusieurs heures, réduisant toutefois la capacité des sites à accueillir d’autres personnes. La fermeture des services, la réduction des heures d’ouverture, les restrictions de capacité et l’augmentation des temps d’attente qui en découlent ont entravé l’accès aux SCS, amenant les personnes à consommer des substances ailleurs, où elles sont plus vulnérables aux méfaits, y compris ceux liés aux surdoses et à la violence.

Cette étude met en évidence la nécessité d’élaborer des stratégies pour améliorer l’accès aux SCS, en particulier dans le contexte de futures situations d’urgence en matière de santé publique. Il s’agit notamment d’accroître la capacité des sites existants en cas de besoin avéré, de créer des sites temporaires ou de fortune, ou de mettre en place des services de prévention des surdoses temporaires et flexibles (où les fournisseurs de services peuvent observer la consommation de substances en tout lieu et à tout moment), par exemple dans un cadre communautaire.

Les prochaines étapes de ce projet prévoient une analyse plus approfondie des entrevues auprès des intervenants des SCS afin d’explorer qualitativement les facteurs à l’origine des changements dans la prestation, l’accessibilité et les résultats des services de consommation supervisée, ainsi qu’une analyse plus poussée des données de cohorte afin de quantifier les changements dans l’utilisation et les résultats des services des SCS avant et durant la pandémie de COVID-19.

Période de questions et réponses

Consommation supervisée et COVID-19 en Ontario : Évaluation (SCCONE)

Présentateur : Ahmed Bayoumi, Université de Toronto (chercheur principal désigné)

Ce projet vise à évaluer les modèles de services optimaux et la viabilité des SCS en Ontario pendant et après la pandémie de COVID-19 et à décrire l’accessibilité et l’utilisation des services de SCS pendant la pandémie.

Le projet se poursuit, et la présentation à l’atelier portait sur les résultats de deux séances de discussion où ont été cernés les facteurs expliquant les raisons pour lesquelles les clients avaient moins accès aux sites pendant la pandémie, le lien entre ces facteurs et l’accès à d’autres services cliniques et de réduction des méfaits, les pressions subies par les fournisseurs de services, ainsi que l’adaptation des programmes et des sites à l’évolution des mesures publiques et politiques.

Les participants ont souligné plusieurs facteurs contextuels pour décrire les services des SCS pendant la pandémie. Parmi ces facteurs, citons : la pénurie de personnel et l’épuisement professionnel; l’accès limité aux équipements de protection individuelle pour le personnel et les clients; les clients croyant que les sites étaient fermés ou les clients évitant les sites en raison du risque perçu de contracter la COVID-19; l’augmentation des temps d’attente; le deuil et le sentiment de perte constants pour les clients et le personnel et le manque de lieux pour se rassembler et se soutenir dans de telles circonstances; la diminution des soutiens communautaires en matière de santé mentale ou des groupes d’entraide; le déplacement de personnes dans des hôtels-abris ou des campements et leur dispersion dans la ville où il est plus difficile de se rendre aux SCS; l’augmentation du nombre de décès.

Les groupes de discussion se sont également penchés sur les mesures prises par les SCS durant la pandémie, sur les changements apportés au personnel et aux programmes, ainsi que sur les services touchés. Parmi les exemples mis en évidence, on peut citer l’impact sur les décisions relatives à l’utilisation d’oxygène en cas de surdose (risque accru de contracter la COVID-19), la diminution du nombre de cabines en raison de la distanciation physique, le refus de fournir des services aux personnes réticentes à suivre les protocoles en lien avec la COVID-19, le redéploiement des effectifs pour travailler à la mise en place d’autres mesures de santé publique (occasionnant l’embauche de travailleurs inexpérimentés), l’accès plus limité aux doses à apporter à la maison et à un approvisionnement sûr, l’orientation moins fréquente vers des services tels que les programmes de traitement en établissement ou les refuges pour victimes de violence, et la cessation des contrôles des drogues.

Les participants aux groupes de discussion ont souligné que pendant la pandémie, les clients avaient moins accès aux services de soutien au sein des SCS (p. ex. espaces de détente), qu’ils évitaient les sites en raison de leurs craintes concernant la COVID-19, qu’ils avaient des problèmes de santé en raison de la difficulté à se prévaloir d’autres services, que le personnel était soumis à une pression accrue et que les relations entre le personnel et les clients étaient devenues transactionnelles. En outre, les services se sont davantage concentrés sur les soins aigus et moins sur la prévention et les services communautaires. Les participants ont également fait remarquer que l’incertitude quant au caractère essentiel des services des SCS rendait la planification difficile.

Les prochaines étapes de ce projet comportent des entretiens avec des personnes qui consomment des drogues et des membres du personnel de SCS, ainsi qu’une analyse quantitative des résultats liés à l’utilisation des services des SCS, y compris les appels aux services médicaux d’urgence de Toronto et les hospitalisations.

Évolution de la fréquentation des sites de consommation supervisée et des interventions d’urgence à Montréal dans le contexte de la COVID-19

Présentatrices : Sarah Larney, Université de Montréal (chercheuse principale désignée), et Camille Zolopa, Université de Montréal

Ce projet visait à évaluer l’évolution du recours aux SCS à Montréal au cours des 12 premiers mois de la pandémie de COVID-19. Pour ce faire, l’équipe a recueilli des données auprès de quatre SCS, dont un site mobile. Elle s’est intéressée à l’évolution du nombre de premières visites et du nombre total de visites, aux interventions d’urgence, aux types de drogues injectées et au matériel de réduction des méfaits distribué. Elle a ensuite comparé les données recueillies au cours de la première année de la pandémie à celles des 24 mois précédant celle-ci.

L’équipe a constaté une diminution significative et soudaine du nombre total de visites aux SCS au déclenchement de la pandémie, probablement en raison de la mise en place de protocoles visant à minimiser les infections, ce qui a eu une incidence sur la fréquentation. Avant la pandémie, le nombre total de visites mensuelles augmentait et cette tendance s’est poursuivie au cours des 12 mois qui ont suivi le début de la pandémie, malgré la baisse du nombre total de visites. En février 2021, le nombre total de visites n’avait pas retrouvé son niveau d’avant la pandémie. Toutefois, la tendance à la hausse des visites au fil du temps laisse à penser que ces chiffres pourraient atteindre leurs niveaux prépandémiques dans le futur. Aucun changement n’a été observé dans le nombre de nouveaux clients après le début de la pandémie.

L’étude a révélé que la proportion de clients nécessitant une intervention d’urgence s’est accrue au cours de la période visée, y compris pour ce qui est de l’administration de naloxone. Cette constatation concorde avec les rapports faisant état de la présence sur le marché de drogues de plus en plus toxiques accentuant le risque de surdose.

Des changements ont également été observés quant aux drogues injectées. Des clients ont été invités à déclarer ce qu’ils s’injectaient, et les résultats révèlent une diminution des injections d’opioïdes traditionnels non réglementés (p. ex. l’héroïne), une augmentation des injections de fentanyl et de ses dérivés, et une augmentation des injections d’opioïdes pharmaceutiques, reflétant possiblement une consommation accrue de pilules contrefaites ou un approvisionnement plus sûr en drogues. En ce qui concerne les drogues non opiacées, les injections d’amphétamines non réglementées ont diminué, la consommation de stimulants pharmaceutiques a augmenté et aucun changement n’a été observé relativement à la cocaïne ou à d’autres drogues injectées.

L’étude de l’évolution du matériel de réduction des méfaits distribué par mois a révélé une augmentation de la distribution d’aiguilles et de seringues immédiatement après le début de la pandémie, suivie d’une tendance à la baisse au fil du temps. Cela peut s’expliquer par le fait que les clients se sont approvisionnés au début de la pandémie et que la demande a fini par se stabiliser. La distribution de trousses de naloxone et de bandelettes de détection du fentanyl est restée constante au cours des 12 premiers mois de la pandémie, laissant supposer que les organismes de santé communautaire ont été en mesure de réagir rapidement pour maintenir ces services.

Les conclusions générales laissent à penser qu’en dépit d’une adaptation rapide des services visant à assurer la sécurité des gens, la pandémie a accentué le risque de surdose. Des changements sont survenus dans le fonctionnement des SCS, notamment en réponse aux exigences de distanciation physique.

La suite des travaux comprend une analyse supplémentaire des données et une surveillance du marché de la drogue au-delà des données autodéclarées, ainsi que l’étude de l’utilisation des services des SCS au cours des prochaines vagues de COVID-19.

Période de questions et réponses

Réflexions des panélistes et discussion

Au cours de cette séance, les panélistes ont fait part de leurs réflexions sur les résultats présentés et discuté des conséquences et de l’application des constatations. Ils se composaient de fournisseurs de soins, de fournisseurs de services de réduction des méfaits et de pairs aidants. En outre, des membres du public provenant de divers horizons, notamment des personnes ayant une expérience concrète, des pairs aidants et des cliniciens, ont formulé des commentaires.

Ci-dessous figure un résumé de la discussion, y compris les perspectives et les expériences des panélistes et des participants à l’atelier en ce qui concerne les SCS au Canada.

Modératrice

Leigh Chapman, infirmière en chef, Santé Canada

Panélistes

Résumé de la discussion

De nombreuses personnes préfèrent inhaler des substances plutôt que de se les injecter, mais la plupart des SCS n’autorisent pas l’usage de substances par inhalation. C’est que la mise en place de locaux d’inhalation supervisée est complexe et coûteuse, et les règlements fédéraux ne sont pas assez souples pour permettre l’aménagement de lieux extérieurs plus simples et moins onéreux.

« Voilà un endroit où l’on peut consommer de la drogue sans mourir, mais sous certaines conditions. Partout ailleurs, on risque de se faire arrêter. »

La procédure d’exemption pour établir un SCS s’avère complexe, inflexible, lourde et chronophage. Or, les sites de prévention des surdoses ne nécessitent pas d’exemption et peuvent constituer une solution de rechange facile.

« Peu sont ceux qui sont passés par le processus d’exemption et en connaissent la lourdeur. Il est très difficile de faire évoluer les services et nous manquons des opportunités. Nous pourrions faire davantage si la procédure était plus simple. »

Il incombe aux provinces et aux territoires de fournir des services de santé, mais les règles et orientations provinciales peuvent constituer des obstacles supplémentaires aux SCS.

Il est essentiel d’écouter les personnes ayant consommé des substances psychoactives pour demeurer proactif et réactif, et pour déterminer les services nécessaires et les endroits où ils le sont.

Il faut davantage de fonds pour soutenir la réduction des méfaits, y compris les SCS, et pour sauver des vies.

« Nous nous battons pour maintenir nos activités. Nous ne devrions pas avoir à organiser des collectes de fonds pour fournir des services essentiels »

Conclusion et résumé

Cet atelier s’est articulé autour de quatre projets et d’un panel suivi d’une discussion ouverte entre des responsables des politiques, des fournisseurs de soins de santé et de soins liés à la consommation de substances psychoactives, des personnes ayant une expérience concrète relativement à la consommation de substances et à la réduction des méfaits, ainsi que des pairs aidants.

Merci à tous les participants et participantes à cette activité d’échange de connaissances.

Le cahier d’information de l’atelier est mis à la disposition du public sur demande. Les demandes peuvent être dirigées au Centre de contact des IRSC : support-soutien@cihr-irsc.gc.ca.

D’autres renseignements au sujet de la recherche des IRSC sur la consommation de substances psychoactives sont accessibles en ligne.

Pour plus de renseignements, consultez l’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies des IRSC ou écrivez à INMHA-INSMT@cihr-irsc.gc.ca.

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