Les deux font la paire : pourquoi la recherche en santé et la planification urbaine vont main dans la main
Lorsque le Dr Daniel Fuller était adolescent à Saskatoon, il prenait son vélo et traversait la ville pour se rendre à la rivière Saskatchewan Sud, où il passait la majeure partie de ses étés à faire du kayak. Il se souvient d'avoir songé aux nombreuses manières dont l'environnement urbain de la ville encourageait – ou, dans certains cas, décourageait – sa capacité à être actif physiquement.
« L'environnement bâti a une influence énorme sur notre activité et notre santé physique, explique-t-il. J'ai eu la chance de grandir dans une ville dotée de rues sécuritaires où je pouvais faire du vélo ainsi que d'une rivière avec un hangar à bateaux où je pouvais faire du kayak avec mes amis. Or, ce n'est pas le cas pour tout le monde au Canada. De nombreuses villes et municipalités ne possèdent pas les mêmes aménagements ou infrastructures. »
Ce qui avait commencé par une simple observation dans son adolescence s'est ultimement transformé en une carrière s'étendant sur plusieurs décennies. Dans son travail, le Dr Fuller examine la manière dont l'aménagement et la structure des villes peuvent contribuer à améliorer la santé des personnes qui y vivent.
Chercheur et professeur agrégé au Collège de médecine de l’Université de la Saskatchewan , le Dr Fuller collabore avec une équipe interdisciplinaire composée de scientifiques, d’urbanistes, de municipalités et d’organismes communautaires régionaux des quatre coins du pays pour comprendre comment différentes interventions (programmes de partage de vélos, construction de ponts, services de déneigement, etc.) peuvent favoriser la création de villes saines et permettre à la population d’être plus active.
« Nous voulons encourager les gens à bouger davantage : le simple fait de marcher dix minutes par jour peut avoir des retombées énormes. Mais la santé, c'est plus que des marches quotidiennes ou un abonnement au centre d'entraînement. Nous devons comprendre comment l'environnement urbain influence la santé globale des gens. Par exemple, ont-ils accès à des voies sécuritaires ou à des rues tranquilles où marcher ou faire du vélo? Y a-t-il des parcs publics à proximité où ils peuvent s'amuser? Y a-t-il des transports publics pour qu'ils puissent se rendre au travail ou à l'école? Ce sont toutes des choses qui contribuent à des villes saines et qui, en retour, favorisent la santé. »
Utiliser la technologie pour bâtir des villes saines
Pour promouvoir l'activité physique et le bien-être dans les villes de toutes les tailles, le Dr Fuller affirme que la première étape devrait toujours être de comprendre où – et pourquoi – de telles améliorations s'imposent.
« Si nous désirons réellement comprendre les défis ou les possibilités que l'environnement urbain présente pour l'activité physique des résidents, nous devons mieux mesurer l'activité, le mouvement et l'aptitude des gens », note le Dr Fuller. Il souligne la nécessité d'avoir des données détaillées dans ces domaines pour appuyer la construction de nouvelles infrastructures ou la création de nouveaux services. « C'est pourquoi notre recherche a recours à des technologies comme des moniteurs GPS, des dispositifs d'entraînement portables et des applications mobiles pour recueillir des données précises en temps réel sur l'activité physique des Canadiens et Canadiennes. »
L'un des principaux projets que mène le Dr Fuller pour recueillir ces renseignements est l'étude INTerventions urbaines, Équité, Recherche-Action, Communautés et sanTé (INTERACT). Comptant plus de 50 chercheurs de partout au pays, l'étude INTERACT a pour objectif d'évaluer les effets de l'environnement bâti et de la transformation urbaine sur la santé.
Pour cette étude, le Dr Fuller et son équipe ont recruté plus de 1 900 participants à Victoria, Vancouver, Saskatoon et Montréal. Ceux-ci ont d'abord rempli un sondage en ligne évaluant leur santé et leur bien-être, leur niveau d'activité physique, leur participation sociale et leur comportement en matière d'activité physique, ainsi que d'autres caractéristiques sociodémographiques.
Les participants ont ensuite téléchargé une application mobile comportant un GPS et un moniteur d'activité physique pour suivre leurs déplacements et leur activité durant 30 jours.
Une fois le sondage rempli et l'application installée, les participants ont repris leurs activités habituelles : se rendre au travail, faire l'épicerie, voir des amis, faire de l'exercice, aller à des rendez-vous, etc. Entretemps, le Dr Fuller et son équipe recueillaient et comparaient les données sur le niveau d'activité des participants dans les quatre villes.
« Nous sommes encore dans la première phase du projet, qui s'articule autour de la collecte et de l'analyse des données de référence, indique le Dr Fuller. Mais nous savons maintenant que grâce à une combinaison de sondages, de moniteurs GPS et d'application mobiles, nous pouvons avoir un portrait clair du niveau d'activité physique de la population et comprendre la manière dont l'environnement bâti d'une ville influence sa capacité à être active. Toutes ces données nous aident à mieux comprendre comment nous pouvons bâtir des villes plus saines partout au pays. »
Réduire les iniquités sociales en santé
Ultimement, le Dr Fuller espère que sa recherche contribuera à augmenter équitablement l'activité physique de l'ensemble de la population canadienne. « Nous savons qu'un bon aménagement urbain peut améliorer la santé et le bien-être des gens, mais les retombées ne sont pas les mêmes pour tout le monde », explique-t-il.
Par exemple, la recherche a démontré que les personnes vivant dans des quartiers aisés sont souvent en meilleure santé, plus actifs et plus près de leur communauté. Elles bénéficient souvent d'une infrastructure urbaine qui leur permet de se rendre à l'épicerie et dans les magasins à pied, vivent souvent à proximité d'un arrêt d'autobus ou d'une station de métro ainsi que de parcs, de sentiers et de services sociaux.
« Les types d'infrastructures favorisant l'activité physique et le bien-être ont tendance à être mis en place dans des quartiers aisés, car ceux-ci ont plus d'influence et peuvent militer pour des changements – et malheureusement, l'inverse est aussi vrai », ajoute le Dr Fuller.
Bien que des études aient également démontré que les résidents des quartiers défavorisés ont tendance à marcher et à faire davantage de vélo que ceux des quartiers riches, ils le font souvent par nécessité et pas toujours dans des environnements sécuritaires. Par exemple, ces résidents doivent parfois marcher plusieurs kilomètres pour se rendre à l'arrêt d'autobus le plus près ou pédaler à côté d'une route achalandée pour se rendre à l'épicerie ou accéder à des services sociaux.
« Dans ces situations, les résidents sont effectivement plus actifs, mais pas pour les bonnes raisons. Il faut construire des villes qui réduisent ces inégalités et qui permettent à tous les résidents de vivre une vie saine et active, quel que soit leur âge ou leur revenu. Et il faut également tenir compte des résidents ayant des problèmes de mobilité ou d'autres problèmes de santé. »
Selon le Dr Fuller, pour combler ces écarts et promouvoir l'activité physique à la grandeur du pays, il faut une intégration consciente de la recherche en santé et de l'aménagement urbain. Il est d'avis que les projets comme INTERACT contribueront à réaliser ces objectifs.
« De nombreuses personnes croient que nos villes sont faites de béton et d'asphalte, et qu'elles sont donc figées. En réalité, les villes sont des entités dynamiques et malléables. À mesure que nos travaux évoluent, je crois que cette combinaison de santé et d'urbanisme créera une nouvelle vision pour nos villes qui est inclusive, durable et accueillante pour tous les résidents. »
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